Eau’pération Haïti

Horizons : Vous le savez, l’AESM a à cœur de soutenir les projets humanitaires élaborés par ses Anciens. Cette année, ce sont deux groupes d’Anciennes de l’Ecole Polytechnique de Louvain-la Neuve qui ont relevé un défi dans le cadre d’« IngénieuxSud » et de « UCL Louvain coopération », l’une à Haïti et l’autre au Mali. Dans ce numéro, nous vous proposons de découvrir le compte-rendu de l’ « Eau’pération Haïti » qu’Ysaline Willard (ads 2014), Héloïse Dehem, Juliette de Lhoneux et Alix Mertens ont menée à bien le mois passé. Le numéro suivant présentera bien sûr les résultats de l’action au Mali.

Eau’pération Haïti

Dans le cadre du projet IngénieuxSud proposé par l’UCL, nous sommes quatre étudiantes à être parties dans le Nord-Ouest d’Haïti, plus précisément dans le bassin versant de la Plaine des Moustiques. Notre mission consistait à rechercher les causes de la salinité des sols sur cette plaine où l’agriculture est pratiquée quotidiennement par plus de 1200 planteurs. Nous devions aussi analyser et documenter la disponibilité en eau dans la Plaine des Moustiques, qui est le second problème rencontré par les locaux. Ces deux contraintes sont bien entendu liées à la géographie du lieu : la Plaine des Moustiques se situe en effet en bord de mer et au pied de montagnes favorisant l’érosion et le lessivage.

Dès notre arrivée à la capitale, Port-au-Prince, nous sommes plongées dans l’ambiance animée et mouvementée des Antilles. Après un accueil chaleureux par Ilse, notre correspondante de Protos, nous partons dès le lendemain pour Passe-Catabois, le village qui nous hébergera pendant ces 18 jours. Le trajet est long et pas de tout repos, mais nous donne l’occasion de nous imprégner des magnifiques paysages d’Haïti.

Nous sommes immédiatement accueillies avec enthousiasme par les deux étudiants haïtiens collaborant avec nous sur le projet, Freud et Max Andy. Leur joie de vivre et leur motivation pour le projet nous encouragent, et nous nous sentons directement intégrées dans le petit village de Passe-Catabois. Nous logeons dans une petite maison du village, à côté des bureaux de Protos et Odrino, deux ONG travaillant sur la problématique de l’eau et qui nous encadrent tout au long de notre mission.

Nous nous rendons vite compte que la vie sur place est bien différente de ce qu’on connait en Belgique. Là-bas, pas question de sortir sans crème solaire ou produit anti-moustiques. Pas d’eau courante tous les jours, pas d’internet, et les coupures d’électricité sont fréquentes. Mais ces petits inconforts matériels sont bien vite compensés par l’accueil et la gentillesse de nos amis haïtiens à notre égard, toujours prêts à rigoler avec nous et nous à montrer leur talents de danseurs. Ah oui, une petite surprise qui nous a presque valu une crise cardiaque : une mygale et un scorpion se promenaient  gentiment dans la maison !

Les deux premiers jours ont été mis à profit pour visiter la plaine et rencontrer certains agriculteurs locaux. Ainsi, nous avons pu nous faire une vision d’ensemble de la problématique et cerner de nos propres yeux les zones où rien ne poussait, soit par excès de sel, soit par manque d’eau. Nous avons pu observer les infrastructures déjà mises en place par Protos et Odrino (drains, canaux d’irrigation, puits), mais qui ne sont, hélas, pas suffisantes.

Après ce petit temps d’adaptation et de reconnaissance des lieux, il était temps de se mettre au travail. Lors des discussions avec les étudiants, les représentants de l’Association des Irrigants de la Rivière Moustique, Odrino et Protos, nous avons déterminé notre objectif, à savoir analyser la teneur en sel du sol pour pouvoir quantifier l’excès de salinité, déterminer les zones les plus touchées, établir une relation entre la teneur en sel et la proximité de la mer et enfin proposer des solutions réalistes sur base des résultats obtenus.

Nous avons commencé par établir un protocole pour récolter les échantillons de terre et les analyser. Cela a été réalisé via le logiciel de cartographie QGis. Ensuite, nous avons pu nous rendre sur la plaine, et aidées d’un guide local, creuser des trous aux endroits déterminés par l’échantillonnage. Afin d’analyser l’influence de la profondeur sur la teneur en sel, il nous a fallu prendre des échantillons à différentes profondeurs et creuser des trous jusqu’à un mètre de profondeur. Nous retiendrons de cette récolte d’échantillons les magnifiques paysages de la plaine avec les plantations de bananiers, le dur soleil d’Haïti qui nous a compliqué la tâche et le petit plongeon dans la mer paradisiaque après une journée bien fatigante.

Avec nos amis haïtiens, nous avons profité du dimanche pour faire une petite escapade dans le village de Môle-St-Nicolas, lieu où Christophe Colomb a débarqué lors de son arrivée aux Antilles. Nous n’oublierons pas de sitôt la plage paradisiaque en face de l’île de la Tortue et l’excellente ambiance qui y régnait.

Il nous restait ensuite à effectuer l’analyse des échantillons de terre. Puisque nous n’avons bien entendu pas accès à des laboratoires sur place, nous avons analysé ces échantillons in situ, avec pour matériel un tamis, un verre gradué, de l’eau distillée et un conductimètre… Il n’en faut pas plus ! Le conductimètre nous permettait de lire immédiatement le pH, la température et la conductivité de la terre dissoute dans l’eau.

Les derniers jours ont été consacrés au traitement et à l’analyse des données recueillies. Nous avons rédigé un rapport que nous rendrons à Protos, et qui pourra aider Max Andy et Freud dans la rédaction de leur mémoire sur le sujet. Dans ce rapport, nous concluons que la salinité viendrait probablement plus de l’érosion et du lessivage des terres par l’eau chargée de minéraux que du surpompage excessif qui remplirait les nappes phréatiques d’eau de mer salée. Cependant, la proximité de la mer n’est pas à négliger et joue un rôle sur la salinité comme nous avons pu l’observer dans nos mesures. Nous proposons aussi des pistes de solutions réalistes à mettre en oeuvre, à court et long terme.

Paradoxalement, pendant notre séjour sur place et en parlant aux agriculteurs, nous avons pu observer que ceux-ci souffraient plus du manque d’eau que de la salinité des terres. Ils ont absolument besoin de nouveaux puits pour récupérer l’eau dans les nappes phréatiques et arroser leurs cultures. C’est pourquoi nous avons décidé de participer au financement d’un puits sur la Plaine des Moustiques avec l’argent restant de notre récolte de fonds. Nous espérons que notre recherche sera utile à Protos et aboutira à la mise en place de solutions concrètes. Nous tenons enfin à  remercier de tout cœur l’AESM pour son don, en notre nom et au nom de tous les planteurs qui bénéficieront de cette expérience, car sans vous cette aventure autant humaine, culturelle que scientifique n’aurait pas pu être possible.

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