« Nous ne sommes pas le centre : il n’y a pas de centre. Une réflexion sur les fondements de l’enseignement jésuite. »

Voici une contribution de notre ami Michel Jadot (ADS 1970), ancien rédacteur en chef d’Horizons et actuel rédacteur en chef de la revue « The Jesuit Alumnus », le magazine de l’Union Mondiale des Ancien(ne)s Elèves des Jésuites. Michel nous a aimablement donné l’autorisation de reproduire cet article publié dans le magazine dont il a charge. Qu’il en soit vivement remercié.

Beaucoup d’entre nous, actifs dans leur association d’anciens ne regardent pas beaucoup plus loin. Ils ignorent leur fédération nationale, leur confédération continentale et l’Union Mondiale. Leur association est le centre du monde et il n’y a rien autour.

En fait, les anciens et anciennes des jésuites sont partout sur notre planète, y compris sur des îles minuscules au beau milieu des océans. Nous vivons à la surface de cette planète. Nous n’en sommes donc pas le centre : une sphère a un centre, la surface d’une sphère n’a pas de centre.

Nous sommes si divers: certains d’entre nous sont catholiques, d’autres sont protestants ou orthodoxes, certains sont hindous, d’autres bouddhistes, certains sont musulmans, d’autres sont agnostiques, beaucoup d’entre nous ne croient pas dans le Dieu des chrétiens, ni dans aucun dieu.

Certains sont européens, d’autres sont africains, arabes, asiatiques, américains du sud ou du nord.

Certains d’entre nous parlent espagnol, d’autres mandarin, français, néerlandais, allemand, lingala, anglais, japonais, cantonais, wolof ou une autre langue.

Mais nous avons tous un commun dénominateur fort et ce n’est pas la religion : c’est notre éducation jésuite.

Mais qu’est donc cette éducation ?
Qu’a-t-elle de particulier ?
Quelles sont ses caractéristiques ?
Qu’est-ce qui en fait la spécificité ?
Quelle est cette force centripète qui nous tient tous ensemble ?
Qu’est donc notre éducation jésuite ?

Les trois piliers de l’éducation jésuite témoignage

L’éducation jésuite, qui met en œuvre la pédagogie ignacienne, du nom d’Ignace de Loyola (1491-1556), fondateur des jésuites, a fait l’objet de bien des ouvrages, écrits par des auteurs très compétents. Les quelques mots qui suivent ne prétendent, ni leur faire concurrence, ni synthétiser ce qu’ils ont écrit. Il s’agit plutôt du simple témoignage de quelqu’un qui a reçu une éducation jésuite, en a été marqué et apprécie le degré d’influence qu’elle a sur sa vie quotidienne de père de famille et d’homme actif dans la société civile.

Cette éducation repose sur trois piliers : le regard positif, le développement des talents et le service des autres. Développons-les brièvement :

1. Le regard positif sur le monde

C’est un réflexe, une disposition d’esprit qui fait que, dans toute personne rencontrée, dans toute information entendue, dans toute circonstance vécue, dans tout objet, on voie le côté positif, on ait un préjugé favorable. Mais ce regard positif ne doit pas être compris comme une simple contemplation: c’est un principe actif, une invitation à agir. C’est une invitation à développer la relation avec la personne, à explorer l’information, à vivre pleinement la circonstance de vie, à respecter l’objet, etc.
Cette disposition d’esprit amène à s’engager vigoureusement, à mettre du cœur dans ce qu’on fait et à le faire à fond. Ceci implique toutefois que l’on ait évalué, avec autant de pragmatisme que de modestie, les causes dans lesquelles on déploiera ses talents avec le plus d’efficacité et que l’on ait établi entre elles un ordre de priorité. L’engagement, le dépassement de soi, voire l’idéalisme sont donc des pivots de l’éducation jésuite. Ils sont également importants pour une société qui, comme la nôtre, est parfois aux prises avec le désarroi.

2. Le développement des talents

Les jésuites ont fondé de nombreux collèges où ils ont prodigué leur enseignement. Le développement des talents va plus loin que l’enseignement. La pédagogie ignacienne vise au développement de l’homme dans ses quatre dimensions fondamentales : celle du corps, celle de l’esprit, celle du cœur et celle de l’âme. Ce sont donc les aspects physique, intellectuel, mais aussi humain (la relation à l’autre) et spirituel (la relation au divin) que le sujet est invité à développer.
Cela se fait d’une certaine manière, selon une certaine méthode, dont trois caractéristiques premières sont la rigueur, l’esprit critique et le questionnement. Elles doivent mener au discernement préalable à l’action.
La rigueur doit, sans concession, gouverner l’analyse préalable à l’action, mais aussi l’exécution de cette action : c’est une réalité qu’évoque le terme moderne, un peu réducteur, de « professionnalisme ».
L’esprit critique est un socle du discernement. Il libère l’esprit et produit des libres penseurs chrétiens… des éléments souvent très « remuants » au sein de l’Eglise Catholique ou de tout autre courant confessionnel.
Le questionnement est la continuelle remise en question de soi qui préside à la recherche du mieux. Le questionnement est l’antonyme de l’autosatisfaction et il convient de le pratiquer invariablement, même et surtout après l’action.
L’éducation jésuite nous invite à ne jamais nous satisfaire du status quo, mais à rechercher l’excellence, le mieux (MAGIS) dans une quête perpétuelle.

3. Le service des autres

« Un talent n’a pas de sens s’il ne sert que celui qui l’a reçu » disait Ignace. Cette petite phrase révèle sa vision de notre rôle sur cette terre : nous ne sommes pas ici pour nous-mêmes, mais pour les autres. Ces talents que nous avons reçus et qu’il convient de développer, nous en sommes les intendants, pas les propriétaires : après les avoir développés, il faut les mettre au service du mieux-être de nos semblables. C’est un élément fondamental du message christique. La formation ignatienne nous amène donc à être des hommes pour les autres à la lumière de l’Evangile, dit-on en termes chrétiens.

Le regard positif nous amène à être des vecteurs d’optimisme. Le développement des talents nous amène à être des facteurs de progrès.
Le sens du service des autres nous amène à être des agents de solidarité. Voilà trois caractéristiques fondamentales de l’éducation jésuite.

Cette éducation n’a bien sûr pas le monopole de ces valeurs, mais elle a le mérite de les avoir érigées en système cohérent. Ce système s’inscrit dans le cœur de ceux qui le choisissent librement et devient une source de vigueur autant qu’un véritable fil conducteur sur le chemin de leur vie.

Voilà ce que nous avons en commun sur notre petite planète d’anciens et anciennes des jésuites. C’est se qui se manifeste dans notre expression, dans notre langage, dans nos comportements et nous rend reconnaissables entre nous. C’est aussi ce qui nous tient ensemble. Notre défi est de faire levier sur ceci et de mobiliser notre communauté pour œuvrer à de nobles causes alignées sur nos valeurs.

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