Les Rhétocards (Rhéto C 1978) ont fêté le 40è anniversaire de leur sortie…
Les Rhétocards (Rhéto C 1978) ont fêté le 40e anniversaire de leur sortie …
Certains Anciens de Saint-Michel ont pris la bonne habitude de se retrouver régulièrement après la sortie du collège, parfois même depuis fort longtemps. C’est notamment le cas de la Rhéto C de 1978, qui s’est retrouvée ensemble plusieurs dizaines de fois, d’abord au rythme de trois fois par an, puis deux, puis une, avant d’espacer quelque peu ses réunions au fil de la naissance des enfants, puis pour certains des petits-enfants.
Cette année, cela faisait donc 40 ans que nous avions quitté le boulevard Saint-Michel, un anniversaire que personne ne voulait laisser passer sans rien faire. Les plus dégourdis d’entre nous, Alain Deneef et Christophe Poncelet, nous ont donc concocté pendant le week-end de Pentecôte un programme alléchant pour cette occasion : un city-trip à Berlin, capitale prestigieuse mais combien méconnue de nos voisins de l’Est. Une ville remplie d’histoire et qui eut un rôle central dans celle de l’Europe. Une ville marquée aussi à tout jamais par son Mur, dont on n’oubliera pas qu’il causait chaque année la mort de dizaines de personnes qui tentaient de le traverser, du temps où nous étions sur les bancs du collège, insouciants.
Dès le mois de février, le principe était déjà acquis et les réservations pouvaient commencer. Alain n’hésita pas à aller en éclaireur le week-end précédent, dans le but d’effectuer des repérages, réserver des restaurants et concocter un programme qui alliait détente, visites (on a beaucoup marché) et gastronomie. L’objectif était au départ de réunir une trentaine de personnes, épouses comprises, mais il ne fut finalement pas atteint puisque nous étions 19 au total. Qu’importe, car les absents (la plupart pour raisons professionnelles) eurent clairement tort !
Ceux qui étaient déjà arrivés vendredi matin visitèrent la villa du peintre Liebermann et celle de la conférence de Wannsee, de sinistre mémoire, qui décida de la “solution finale” du problème juif.
Le programme “officiel” commença vendredi après-midi, alors que le groupe s’étoffait au fur et à mesure des arrivées en avion.
La première soirée nous vit converger à pied depuis notre hôtel sur Alexanderplatz, franchir la Spree, laisser le Dom et l’île aux musées à notre droite et nous engager sur la partie la plus classique d’Unter den Linden, celle du Staatsoper, de la Neue Wache, de la Staatsbibliothek. Nous obliquons vers la gauche pour traverser la Bebelplatz où l’un d’entre nous ne résiste pas à la tentation de soumettre les autres à un petit quiz : que représente au centre de la place, la cavité creusée dans le sol où l’on aperçoit depuis la surface au travers d’une baie vitrée des rayonnages vides ? C’est l’œuvre d’art forte qui rappelle que furent brûlés à cet endroit le 10 mai 1933 les livres que les nazis considéraient comme anti-allemands, ceux d’Heinrich Mann, de Kurt Tucholsky, d’Erich Maria Remarque, de Bertolt Brecht…
Rendus au restaurant autrichien sur Gendarmenmarkt où nous devons passer la soirée, nous sommes bien vite rejoints par notre invité de marque, l’ambassadeur de Belgique en Allemagne, Ghislain d’Hoop. Celui-ci, qui a notamment passé une douzaine d’années au palais royal, nous fait le plaisir de nous dresser un portrait assez complet et loin des généralités habituelles des problèmes de l’heure auxquels est confrontée l’Allemagne. Il ne s’embarrasse pas de trop de précautions oratoires et est poussé à nous livrer sa pensée par des questions précises que nous nous relayons à lui poser. Le manque d’intérêt des Belges pour ce pays qui nous accueille reste pour lui (et pas que pour lui) un mystère. Il confirme le rôle central et premier que joue aujourd’hui le pays d’Angela Merkel en Europe. Il quittera Berlin et la Jägerstrasse, siège de l’ambassade, dans quelques mois pour son dernier terme de quatre ans en Autriche et Vienne où il nous invite déjà cordialement.
Vendredi en début de nuit, tout le monde était arrivé (Christophe fut le dernier, notamment victime de quelques frasques de Ryanair) et le groupe pouvait se retrouver dès le lendemain (9h15, ce qui fit grincer certaines dents !) pour un “classique” tour de la ville en bus touristique : très souvent, la meilleure manière de faire connaissance avec une ville qu’on ne connaît que très peu, ou pas du tout.
Dans cette ville en chantier perpétuel (on n’oubliera pas qu’elle fut entièrement reconstruite après les bombardements de 1945, mais aussi que dans la partie Est, certains immeubles parfois monolithiques sont complètement désaffectés depuis la chute du Mur, c’était notamment le cas en face de notre hôtel), le bus avance au rythme de la circulation. Nous y découvrirons évidemment la Brandenburgertor, le monument emblématique de Berlin qui jadis marquait la frontière entre l’Est et l’Ouest, et qui offre des similitudes amusantes avec les arcades du Cinquantenaire à Bruxelles – ce fut d’ailleurs le logo de notre voyage. Mais aussi le Zoo, qui est un des plus intéressants d’Europe, le Reichstag (parlement) qui fut incendié dans les années 30 et le Kurfürstendamm, en abrégé Ku’damm, qui est un des quartiers les plus à la mode de la ville, dans le secteur ouest. Nous mangerons dans un resto barbecue de conception assez originale, entre l’eau et les trains qui font pas mal de bruit. Après une visite à la Topographie des Terrors, qui conserve un bout du Mur (ce n’est pas le seul endroit) et qui explique comment Hitler a pris le pouvoir en douceur – eh oui, il a été élu démocratiquement, comme d’autres irresponsables actuels – et Checkpoint Charlie tout proche, nous mangeons le soir dans un excellent resto, appelé Oxymoron, situé dans un quartier jadis populeux (Hackesher Höfe) où, quasi spontanément, les rhétocards se regroupent : les garçons à une table, leurs épouses à celle d’à côté. Aucune d’entre elles n’a protesté et l’ambiance est vite montée d’un cran… Alain nous invite ensuite dans un bar à cocktails assez proche, et les plus courageux termineront la soirée dans un night club quasi centenaire.
Dimanche, le groupe s’égaille entre le musée de la RDA, très instructif, ceux qui n’ont pas envie d’aller jusque-là peuvent aussi visionner le film à succès “Das Leben der anderen” qui dresse un tableau très réaliste de ce qu’était la vie sous le régime communiste tant décrié par notre professeur d’allemand au collège, Herr Albert Stevens (prononcé Chtievens par ses élèves) qui a initié tant d’entre nous à la langue de Goethe, et d’autres attractions comme un tour en bateau sur la Spree. On a personnellement opté pour la première variante, et on s’est installé au volant d’une Trabant d’époque (aussi confortable qu’une boîte à cigares) qui vous donne immanquablement le mal de mer, les réactions de la voiture ne correspondant pas à ce que vous en espérez en actionnant les commandes.
Après un dîner dans une brasserie artisanale (Brlo Brwhouse) nous reprenons la route à pied en direction du musée juif, Oranienburgstrasse, un endroit interpellant mais très elliptique, avant de bénéficier de quelques heures de temps libre puis de sortir le long de la Spree dans un quartier de l’Est, qui ne dort jamais : c’est Matongé à la puissance 4, revendeurs de drogue compris… Après avoir très bien mangé le long du fleuve (Spinder und Klatt), on s’amuse dans une boîte de nuit à ciel ouvert. Un endroit vraiment festif et pas cher pour autant, où nous avons entendu au moins 10 langues.
Le lundi, les retours en avion sont aussi espacés que les arrivées, mais personne n’a vraiment envie de partir : nous sommes toujours une grande famille, et on attend avec impatience les prochaines retrouvailles ! Les plus optimistes parlent d’un rendez-vous tous les deux ans. Après tout, tout le monde est toujours en vie dans cette classe où les entorses aux statistiques sont nombreuses : notamment, aucun fumeur, ni chez les anciens rhétocards, ni chez leurs épouses !
Jean-François Jourdain (avec l’aide précieuse d’Alain Deneef)