Apprendre, source d’espérance pour ceux qui ont tout perdu

Horizons : Maurice Selvais (ads 2011) nous relate ici sa rencontre avec le RP Peter Balleis, sj, qu’il a rencontré à Bruxelles le 22 mai dernier.

Ce mardi 22 mai, en la Chapelle de l’Europe – bastion jésuite au cœur du quartier européen, à quelques encablures de notre collège – nous avons eu le privilège de nous entretenir avec une sommité jésuite, le Père bavarois Peter Balleis, président exécutif de Jesuit Worldwide Learning – Higher Education at the Margins (« Apprentissage jésuite mondial – Education Supérieure aux Marges de la société »), ci-après dénommé JWL. Nous avions déjà eu l’honneur de le rencontrer lors du dernier congrès mondial WUJA qui s’était déroulé, souvenez-vous, l’été dernier à Cleveland, aux Etats-Unis . Cette fois-ci, Peter Balleis a passé une journée en Belgique, d’abord à Namur puis à Bruxelles, pour faire le compte-rendu des activités de JWL durant l’année écoulée et nous présenter les perspectives qu’ils souhaitent mettre en œuvre cette année.

C’est un de ses confrères badois, le Père Martin Maier, SJ qui s’est occupé des présentations d’usage. Peter Balleis a rejoint les jésuites en 1981, puis s’est mis à travailler pour le JRS (Jesuit Refugee Service – Service jésuite aux réfugiés) pendant plus de vingt ans ; d’abord comme responsable local, en Tanzanie, répondant à la crise des réfugiés suite au génocide rwandais, puis comme directeur régional en Afrique méridionale, pour s’occuper du rapatriement des Mozambicains depuis le Malawi. Il fut ensuite muté en Allemagne, en tant que procurateur pour lever des fonds dans le but de développer de nouveaux projets en aide aux réfugiés. Il servit enfin le JRS comme directeur international pendant huit ans. Considérant qu’il avait suffisamment été utile au JRS, il décida de quitter son poste en 2015 pour rejoindre une toute nouvelle structure qui avait précisément besoin de toute son expérience dans le domaine des réfugiés et des droits de l’homme : JWL .

De quoi s’agit-il ? L’idée est née d’une prise de conscience liée à la destruction en juillet 2001 de la fameuse Statue du Bouddha de Bamyan, située dans les montagnes afghanes, par les talibans, en direct devant les yeux du monde entier. Tuant non seulement des centaines de personnes qui vivaient à proximité, du fait de la déflagration et de l’éboulement qui s’en suivit ainsi que par balles, les talibans, par cet acte ignominieux, détruisirent le symbole d’une culture ancestrale de musulmans vivant en harmonie avec leur tradition bouddhiste millénaire.
En septembre 2016, les cinq anciennes provinces jésuites de Suisse, d’Autriche, d’Allemagne, d’Hongrie et de Lituanie – formant aujourd’hui la nouvelle Province d’Europe Centrale – fondèrent JWL à Genève, en Suisse. « Nous sommes convaincus que prodiguer des opportunités d’enseignement supérieur aux gens vivant aux marges de la société constitue une réponse cruciale et viable aux challenges mondiaux toujours grandissants suite aux conflits, aux déplacements des personnes et aux dégradations sociales et environnementales », avait déclaré, dans son éditorial annuel, le président du JWL, Frère Christian M. Rutishauser, SJ.

Peter Balleis, président exécutif de JWL, nous interpelle : « Comment aider les personnes dans le besoin ?… En leur donnant un fruit ? Certes, ils auront mangé, mais ils auront toujours faim. En leur plantant un arbre ? Bien, ils auront de quoi manger, mais ils resteront dépendants de cette source de nourriture jusqu’à ce qu’elle se tarisse. Et puis ?… Non, ce qui compte le plus, c’est de les éduquer, de leur apprendre ! », tout en brandissant fièrement l’article 14 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (droit à l’éducation). Déclaration qui n’est pas sans nous rappeler une maxime bien connue d’un de nos partenaires habituels au collège . Il semble que ce soit la solution la plus viable et la plus constructive pour pallier le challenge des réfugiés et de la crise migratoire. Telle est la vision de JWL : « Apprendre ensemble pour transformer le monde ! L’éducation favorise l’espoir ». Telle est la mission de JWL : « Fournir un apprentissage équitable et de haute qualité aux personnes et communautés se trouvant aux marges de la société ».

Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? Tout d’abord, JWL va s’implanter là où on en a le plus besoin, c’est-à-dire en Afrique subsaharienne, en Amérique centrale, en Asie méridionale (Inde et pays alentours), ainsi qu’en Indonésie et au Proche-Orient (Syrie, Irak), et dans les îles des Caraïbes souvent en proie aux catastrophes naturelles. « Il y a une véritable guerre à l’éducation », nous déclare Peter Balleis. « Les gouvernements ont tendance à couper les budgets alloués à l’éducation et les professeurs sont de moins en moins bien payés. Ajoutez à cela une augmentation de la pauvreté, une culture qui refuse que les filles aillent à l’école, davantage de conflits armés, la problématique des enfants soldats et des réfugiés toujours en nombre croissant… Que faire ? ».
Il se veut rassurant : « L’éducation est le premier pas vers un nouveau départ. Ce dont ils ont le plus besoin, c’est un lieu où ils peuvent avoir accès à internet. Un container aménagé leur suffit. Le reste, on s’en occupe : des classes virtuelles, une expérience et une infrastructure globales. » Car ce qui fait toute la différence dans ce processus éducationnel et qui constitue l’arme redoutable de JWL pour gagner ce combat pour l’éducation, au-delà de s’investir et de s’implanter au cœur des zones de conflit et au sein des campements provisoires, c’est son networking et ses partenariats stratégiques !

En effet, JWL met à contribution des universités du monde entier – jésuites, bien entendu, mais pas uniquement – ainsi que des partenaires locaux, et des ONG et fondations pour l’encadrement et l’approvisionnement. En mettant sur pied une telle structure, comparable à une fourmilière, JWL assure aux étudiants un enseignement de la meilleure qualité et aux moindres coûts. Citons quelques-uns de ses partenaires, permettant de jauger l’importance et le sérieux de sa structure : IHS, JRS, UNHCR, MISSIO, Bayerischer Landtag, Open Society Foundations, The Newman Institute University College, University of Utah, Georgetown University, Association of Jesuit and Colleges & Universities, Munich School of Philosophy, Gonzaga University, MSU of Denver, SeattleU, etc. Un label qui fait rêver nos jeunes européens, et que les plus démunis pourront acquérir à force de travail et d’abnégation, là où ils n’ont plus rien, grâce à JWL.
Ces formations sont certes élémentaires, mais fournissent un background vital pour tous ces jeunes qui rêvent d’un avenir meilleur. C’est par la base que tout commence. Parmi les formations proposées par ces établissements universitaires prestigieux, citons par exemple celle permettant de devenir professeur d’anglais offerte par l’Université Creighton d’Omaha, celle pour devenir éducateur sportif offerte par l’Université Métropolitaine de Denver et sponsorisée par le Haut-Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR), ou celle pour devenir éducateur de santé publique de l’Université de Seattle, ou encore celle pour devenir spécialiste IT offerte par la Microsoft Academy à l’Université Xavier de Bhubaneswar, en Inde.

Peter Balleis était justement à Namur, ce jour-là, pour envisager une possible future collaboration avec l’Université de Namur.
En attendant, JWL est présent localement dans les zones de conflit, nous l’avons dit, mais possède aussi une multitude de sièges régionaux, permettant un meilleur flux des contacts entre les différentes étapes du processus éducationnel, notamment aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suisse, à Dubaï et en Inde.
Cette structure mise en place par JWL leur permet de recevoir un appui conséquent des Nations Unies, car elle rencontre 10 des 17 défis des Nations Unies pour un développement durable .

Toutefois, ces cours dispensés, ces équipements et le développement toujours grandissant de nouveaux projets dans le but de toucher un maximum de jeunes aux marges de nos sociétés, ont un coût, que l’ensemble des donateurs et partenaires n’arrive à combler entièrement – bien que leur contribution soit déjà très importante.
Ainsi, et pour faire écho à notre ami le révérend Peter Balleis dont nous saluons une fois de plus le formidable travail entrepris jusqu’à présent et pour lequel la charge ne cesse malheureusement de croître, nous ne pouvons que vous inviter à faire un tour sur le site internet de JWL (cf. note de bas de page). Vous aurez un aperçu plus détaillé de l’ensemble des activités liées à JWL ainsi que des postes budgétaires encore à pourvoir, mais vous aurez aussi un accès aux témoignages de jeunes que JWL a pu soutenir et qui, aujourd’hui, se remettent à espérer à un avenir qu’ils croyaient ne jamais plus être leur.
Ensemble, apprenons pour transformer le monde.

 

World Union of Jesuit Alumni – Union Mondiale des Anciens Etudiants des Universités et Collèges jésuites dans le Monde.

Cf. Horizons 96 publié en octobre 2017

Un entretien est d’ores et déjà prévu avec le révérend Martin Maier, SJ, que nous présenterons dans un de nos prochains numéros.

Prononcer « dju-we-l », comme jewel en anglais, qui signifie joyau. C’est malin, c’est jez’ !

Slogan d’Îles de Paix : « Si je reçois un poisson, je mangerai un jour ; si j’apprends à pêcher, je mangerai toute la vie »

Nous ne saurions ici expliquer en détail chaque défi des Nations Unies rencontré par JWL, ni dans quelle mesure il y contribue pour chacun d’eux, car la liste est longue mais nous ne pouvons que vous encourager à aller jeter un coup d’œil sur leur site internet pour vous rendre compte des ambitions de ce projet qu’est JWL : www.jwl.org

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