Cent Anciens pour les 100 ans de l’AESM
L’association des anciens élèves du Collège Saint-Michel est née en 1920, comme une section de la Fédération des associations d’anciens élèves des deux Collèges Saint-Michel de Bruxelles, celui de la rue des Ursulines (devenu plus tard le collège Saint-Jean Berchmans) et celui du boulevard militaire, notre Collège.
En 1920, seules 15 promotions étaient sorties de notre Collège et les anciens élèves du nouveau Saint-Michel pouvaient donc s’appuyer sur ceux de l’ancien collège.
C’est le 10 février 1929 — afin de préparer les fêtes du XXVe anniversaire de 1930 — que fut créée l’asbl actuelle, l’Association des anciens élèves du collège Saint-Michel (AESM). Celle-ci devint société royale en 1992. Depuis un siècle, 23 présidents se sont succédé, d’Ernest de Jamblinne de Meux à Etienne Rigo.
Un anniversaire
Pour fêter les cent ans de l’AESM, le comité a eu l’idée de proposer aux ancien(ne)s élèves de désigner par voie d’élection les 100 Ancien(ne)s décédé(e)s qui leur paraissaient le mieux témoigner de ce que Saint-Michel a formé comme ancien(ne)s élèves et, pour qu’il y ait la possibilité d’un choix, de leur proposer de le faire sur base d’une pré-sélection de 250 Ancien(ne)s. Nous sommes conscients que beaucoup plus d’Anciens auraient mérité de faire partie de cette pré-sélection, mais soit leurs mérites ne nous étaient pas connus, soit ces mérites n’avaient pas reçu l’éclairage qu’ils auraient mérité d’avoir.
Pour ne pas déséquilibrer la première sélection, nous nous sommes limités à ne prendre qu’une petite partie des héros morts pour la Patrie qui sont 272 sur le monument aux morts (couloir du 24, boulevard Saint-Michel), en n’en retenant qu’un sur dix environ. De même, de nombreux anciens élèves, devenus jésuites, auraient mérité d’être repris dans la sélection, mais il a fallu là aussi nous limiter. Enfin, des professeurs du Collège n’étaient repris que dans la mesure où ils étaient aussi des anciens élèves.
Une fresque
L’idée du comité fut ensuite d’illustrer le choix opéré par les ancien(ne)s sous forme d’une fresque qui sera réalisée sur le palier, (cf. photo) entre le rez-de-chaussée et le 1er étage, de l’escalier de bois du 26 boulevard Saint-Michel. Elle mettra graphiquement en scène les 100 Ancien(ne)s dans une composition d’un artiste choisi par le comité, à savoir notre ancien Benjamin Legat (Ads 2011). Celui-ci est sorti gagnant d’un appel à candidats qui nous a permis de recevoir cinq projets dont deux étaient remarquables. Cette fresque sera inaugurée le samedi 10 octobre 2020 lors d’une grande soirée de retrouvailles. A cette occasion, un catalogue de l’œuvre sera offert aux participants à la soirée d’inauguration qui reprendra des fragments de l’œuvre et les notices biographiques des Ancien(ne)s retenus, avec leur photo. Des textes présenteront l’histoire succincte de l’association et ses réalisations depuis 1920, la liste des présidents et aumôniers.
Un site web
Sur un site créé à cet effet, les ancien(ne)s se retrouvaient face à 246 notices biographiques décrivant brièvement le parcours de vie d’un ou de plusieurs (dans le cas d’une fratrie) ancien(ne)s élèves, nécessairement décédé(e)s. Elles étaient pour la grande majorité assorties d’une illustration de l’ancien en question. Compilées au cours des dernières 25 années par l’auteur de ces lignes, ces 246 notices étaient elles-mêmes inévitablement le fruit d’une sélection. Ce premier choix fut validé par un comité créé pour l’occasion et réunissant nos anciens élèves Pierre Charles de la Brousse (maître en histoire), Vincent Dujardin (professeur d’histoire à l’UCL), Michel Jadot (longtemps rédacteur en chef de Horizons) et Xavier Rousseaux (professeur d’histoire à l’UCL).
Nous étions conscients du caractère quasi exclusivement masculin de cette sélection. Celle-ci ne comprenant que des ancien(ne)s décédé(e)s, il n’était pas étonnant de n’y trouver qu’une seule femme, la mixité n’existant au collège Saint-Michel que depuis l’année de sortie 1987. Les anciennes les plus âgées ayant à peu près 51 ans, très peu d’entre elles ne sont heureusement pas décédées !.. Les réactions ne manquèrent cependant pas d’anciennes élèves étonnées, voire choquées, de ce déséquilibre, mais le critère retenu (être décédé.e) nous amenait inexorablement à ce résultat.
Une sélection
Le premier principe qui sous-tendait le choix opéré parmi les parcours de nos anciens était évidemment de donner à voir des ancien(ne)s élèves dont les réalisations ou la vie furent remarquables par leur impact, leur longévité, leur originalité, le témoignage qu’elles portent ou les difficultés qu’elles rencontrèrent. Un autre critère était de mettre en lumière des vies qui ne se sont pas contentées d’une trajectoire linéaire, mais ont dévoilé un parcours multiple, parfois ébouriffant ou extravagant, avec des activités diverses menées en parallèle ou séquentiellement. Et à côté de véritables héros, on trouvera aussi des personnages controversés, à l’époque comme aujourd’hui…
La sélection opérée et le choix assumé par le comité de sélection en y maintenant des personnages dont on pourrait contester la présence (certains furent même condamnés) étaient un parti pris qui voulait montrer la diversité des profils de ceux qui sont sortis de notre Collège. A ce titre, ils sont représentatifs de Saint-Michel au siècle passé : la Belle Epoque, la Première Guerre mondiale, l’entre-deux-guerres, la Seconde Guerre mondiale et les Trente Glorieuses, jusqu’aux années 2000.
Ce choix nous valut quelques courriels indignés, mais nous fîmes à ces anciens élèves, dont nous comprenions bien qu’ils aient pu être choqués par nos options, la réponse suivante : « Oui, il y a eu, de manière heureusement (très) minoritaire, des personnes qui ont utilisé leurs talents et l’éducation reçue au collège pour des causes discutables, scandaleuses, voire ignominieuses, ou ont eu des comportements délictueux, voire criminels. Mais ces personnes peuvent avoir eu dans le même temps un rayonnement, voire une influence réelle sur la société de leur époque et parfois un vrai pouvoir. A la lecture de certaines notices, nos anciens réaliseront que des profils très divers sont passés par notre collège et que pour certains d’entre eux l’éducation qu’ils y reçurent ne les a pas empêchés de se perdre, quand elle ne leur a pas donné les moyens d’une habileté mise au service de causes et de comportements juridiquement ou moralement condamnables…
Il nous a semblé nécessaire et pédagogiquement utile de les retenir dans la pré-sélection car ne pas le faire serait revenu à ne présenter des anciens élèves qu’un tableau idyllique, éloigné de la réalité, dans lequel nous, anciens élèves, avons parfois tendance à nous complaire. Nous nous accordons, j’imagine, sur le mot de Beaumarchais qui écrivait que, sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur. Nous pensons pour notre part que sans la liberté lucide de présenter tous les profils marquants, quels qu’ils soient, sortis de Saint-Michel, il ne peut être question de célébrer honnêtement ceux qui lui font honneur. »
Et comme nous nous y attendions, les personnages véritablement controversés ne furent pas élus…
Une procédure de vote
Le vote se faisait en ligne de manière électronique sur un site web dédié à l’exercice. Les notices avaient été regroupées en 17 catégories socio-professionnelles ou qui témoignaient d’un engagement. Ces catégories étaient purement indicatives ; elles visaient à attirer le regard du visiteur sur le site qui pouvait se sentir peut-être plus à l’aise avec les avocats ou les jésuites, mais peut-être moins avec les résistants, les acteurs du secteur social ou les médecins.
Indépendamment de la catégorie, chaque ancien(ne) avait le droit de vote pour 75 anciens au maximum puisque 75 anciens étaient désignés par le vote. L’AESM se réservait le droit de nommer 25 anciens supplémentaires, dont l’importance historique, l’originalité ou le sens de l’engagement auraient pu échapper à nos Ancien(ne)s, en donnant mandat au comité de sélection évoqué plus haut de compléter la liste pour arriver au total voulu de 100. De la même manière, si un(e) Ancien(ne) vraiment remarquable (et décédé(e)) avait été omis(e) dans la sélection des 246 notices, chaque ancien(ne) votant pouvait en proposer la candidature, le comité de sélection restant souverain pour décider de le rajouter ou non. Et les anciens firent usage de cette possibilité puisque trois anciens et une ancienne furent proposés pour être ajoutés dans la liste des 25 à choisir par le comité de sélection.
Un résultat
Les 74 autres anciens (dont une ancienne) furent désignés par 367 votants qui émirent en moyenne 19,5 votes (chacun pouvait voter pour un maximum de 75 anciens). Les catégories dont les membres recueillirent en moyenne le plus de voix furent les héros des deux guerres, de la paix, pour acte de courage et victimes de la violence, suivis des acteurs du secteur social, des ingénieurs et architectes, des scientifiques et universitaires et des enseignants et pédagogues. Les tranches d’âge parmi les anciens qui exprimèrent leur vote étaient toutes bien représentées avec les années 1960 à 1969 et 1970 à 1979 les plus actives à participer au vote.
On ne s’étonnera pas de voir que les anciens retenus sont les plus récents, c’est-à-dire des personnalités que pas mal de nos anciens ont pu connaître il y a 10, 20, 30 ou 50 ans. Et bien sûr, les plus jeunes des anciens de notre pré-sélection et ceux décédés de manière tragique ont recueilli le plus de suffrages.
Une réflexion
Une fois achevée, cette fresque ne manquera pas d’interpeller les élèves actuels. Nous formulons le vœu que certains professeurs s’emparent de ces portraits d’anciens et anciennes et en fassent l’objet de discussions en classe avec les élèves. Car les questions posées par cet exercice sont multiples : les rapports entre la mémoire et l’histoire, la réussite professionnelle et le sens de l’engagement, le questionnement sur ce qu’est une vie réussie, etc.…