« Sécurité alimentaire et économique : projet d’irrigation à Omate au Pérou»
La session d’examens enfin derrière nous, l’été s’annonçait exceptionnel. Nous nous sommes envolées pour le Pérou afin de vivre une aventure hors du commun. Etudiantes en Ingénieur Civil à l’Ecole Polytechnique de Louvain, nous n’avions pas hésité lorsque Louvain Coopération (ONG de l’UCL) nous a proposé de mener un projet de développement dans un pays du sud. La demande d’aide technique qui nous a été assignée concernait l’optimisation d’un système d’approvisionnement en eau et d’irrigation pour la culture de fruits dans une région aride du sud du Pérou.
Située à moins de 100 km à vol d’oiseau (mais 5 heures de route) de Arequipa, Omate est une petite ville au centre d’une vallée qui l’entoure. Nous étions excitées et impatientes de découvrir enfin cette région et ses habitants. En effet, ce projet faisait partie de notre quotidien depuis plus d’un an et avait suscité de nombreuses heures de recherches, de réflexions et de préparation.
Dans les paysages à la beauté époustouflante qu’offre la vallée d’Omate, un manque de précipitations et de ressources hydriques pendant plusieurs mois empêche les agriculteurs de cultiver leurs parcelles. Certes, la terre est fertile grâce à son sol volcanique, mais les vignes et arbres fruitiers portants de délicieuses oranges, mandarines, citrons, papayes et avocats souffrent d’un sérieux déficit en eau pendant les mois de septembre, octobre, novembre et décembre.
Il était donc nécessaire de prendre en compte tous les aspects et de comprendre l’ensemble de cette problématique complexe afin d’apporter la solution la plus appropriée et la plus durable. Une fois sur place, nous avons visité les parcelles et sommes parvenues rapidement à comprendre de manière plus précise la situation actuelle de gestion et d’utilisation de l’eau. Les infrastructures existantes ont été mises en place dans les dix dernières années et sont composées de canaux en béton et de quelques vannes en fer pour acheminer l’eau aux parcelles. L’irrigation se fait dans la plupart du temps par gravité et l’eau suit une rigole creusée dans le sol. Quelques rares agriculteurs bénéficient déjà d’améliorations comme des réservoirs, des filtres et des systèmes d’irrigation pressurisée. Tout cela nous permettait enfin de mettre une image sur ce que nous avions essayé d’imaginer à distance et surtout de compléter ou modifier les informations dont nous disposions suite à nos recherches. La solution fut décidée : nous avons alors opté pour une amélioration des techniques d’irrigation par l’installation d’un système pressurisé afin de réduire les pertes d’eau par évaporation et infiltration dans le sol. La vision à long terme sera de permettre la mise en place de ce système pour l’ensemble des parcelles.
Tout au long de la préparation du projet, nous avons été en contact avec notre partenaire local: CEDER. Cette ONG dispose d’ingénieurs agronomes qualifiés qui apportent leur soutien dans la région depuis de nombreuses années et connaissent la réalité locale mieux que quiconque. Ainsi l’ingénieur Henry nous a guidées, conseillées et fait rencontrer les acteurs principaux.
Après la prise de mesures et de distances géographiques, nous sommes retournées à Arequipa pour acheter le matériel : des tuyaux de longueurs et tailles différentes afin d’acheminer l’eau du réservoir en amont jusqu’à la plante en aval. Ces tuyaux de PVC et PE sont extrêmement solides car ils doivent être capables de résister à des pressions élevées.
Nous avons mis en place un réseau de tubes parcourant les parcelles et apportant de l’eau sous pression. Une irrigation par aspersion ciblée est alors permise, réduisant considérablement les pertes en eau en saison sèche et permettant une économie d’eau lorsque les pluies sont plus abondantes. L’aménagement demande non seulement de placer les tuyaux correctement mais également de creuser des tranchées afin de les protéger au maximum. De plus, la construction d’un filtre en amont est essentielle. L’installation couvre au total 13 Ha cultivés par 13 agriculteurs bénéficiaires. Ces familles furent très accueillantes et reconnaissantes : nous avons partagé leur quotidien tout au long de l’installation du système. Des journées de travail dans les champs aux repas de famille et dégustations de vin local le soir, tous ces moments nous ont permis de superbes échanges culturels.
Nous avons été surprises par la complexité de l’aspect agronomique qui requiert une connaissance parfaite des conditions géologiques, climatiques, géographiques, sociales et les méthodes de culture existantes. Connaître parfaitement la situation locale avant d’agir est primordial, l’innovation et une recherche purement technique ne furent pas la priorité. Grace à l’expérience de CEDER dans la région, la solution était déjà connue et fut longuement étudiée afin d’améliorer les rendements agricoles tout en étant le moins onéreux possible et le plus durable.
Cette expérience nous a permis de renforcer notre compréhension des échanges nord/sud et ceux du monde de la coopération au développement. Nous avons compris la différence entre une demande d’aide technique et une demande d’aide financière. Dans beaucoup de cas, le manque d’argent reste le frein principal. Nous avons également pris conscience de l’importance d’avoir des personnes qualifiées sur place qui facilitent le dialogue et la confiance. La communication et l’implication des bénéficiaires lors de la mise en place du projet sont essentielles. Ceux-ci doivent à tout prix comprendre le fonctionnement du système ainsi que le bénéfice qu’il engendre. Le temps et l’expérience sont des facteurs clés pour la réussite d’un tel projet.
Nous avons pu observer le résultat de notre travail avant de partir. Nous l’avons laissé entre les mains de CEDER qui se charge d’achever la mise en place et d’assurer le suivi du projet à long terme. Nous sommes fières d’avoir mené ce projet du début à la fin et garderons un souvenir inoubliable de cette expérience enrichissante. Nous souhaitons bien sûr remercier l’AESM pour le soutien qu’elle nous a apporté et sans lequel nous n’aurions pas pu vivre tout cela. Cette expérience influencera certainement nos choix et encouragera chez nous des comportements nouveaux à l’avenir. C’est une aventure que nous conseillons à chacun de réaliser, une véritable leçon de vie !