Interview d’Olivier DE RAEYMAEKER (Ads 1995), Directeur du Soir

Horizons : Bonjour Olivier ! Un préambule à notre conversation : quand j’interviewe pour Horizons, mon habitude est de vouvoyer mon interlocuteur ou mon interlocutrice. Ce me serait difficile aujourd’hui. Permets-moi de te tutoyer comme à l’époque où je fus ton titulaire de classe.

Depuis ta sortie du collège en 1995, quel a été ton parcours ?

Olivier De Raeymaeker (O.DR) : D’abord 5 années d’études d’ingénieur de gestion à Solvay au cours desquelles j’ai fait mon Erasmus au Trinity College à Dublin, puis un premier job à Paris pendant 5 ans dans une société de conseil en stratégie. Ensuite, je me suis engagé dans les télécoms, d’abord à Anvers chez Alcatel puis à Bruxelles chez Base. Et maintenant je suis ici au Soir depuis 8 années environ.

Horizons : N’est-ce pas singulier que tu sois passé des télécoms à la presse ?

O.DR : Non, car il y de nombreuses similitudes entre les télécoms et la presse. J’étais responsable du marketing chez Base et un des enjeux était de recruter des abonnés et de les fidéliser dans la durée. Or, c’est une logique comparable pour la presse, en quête de nouveaux abonnés.  Et il existe par ailleurs différentes passerelles entre la presse et les télécoms, véhicules d’informations.

Pour revenir à mon parcours, il faut savoir que Base a eu un partenariat avec Rossel, une collaboration dont j’ai eu la responsabilité. Un jour j’ai été contacté par Rossel dans la perspective de prendre la direction du Soir. Je me suis laissé séduire par le projet, d’autant que la presse a toujours été un centre d’intérêt important pour moi, depuis mon adolescence.

Horizons : Et quel est le lien entre Rossel et Le Soir ?

O.DR : En 1887, Emile Rossel décide avec deux amis de créer un quotidien francophone d’informations. Il le nomme « Le Soir » et le veut indépendant idéologiquement et financièrement de tout groupe de pression : parti politique, syndicat, clergé. Et il le veut gratuit et financé par la publicité. « L’Agence publicitaire Rossel » nait alors, mais avec le temps et le développement de sa diffusion « Le Soir » devient payant. Aujourd’hui encore, l’indépendance reste la première valeur du Soir.

Le Groupe Rossel est un groupe familial de médias d’informations avec une moitié de ses activités en France et l’autre en Belgique. Dans notre pays, Rossel a 4 pôles : le pôle RTL (en partenariat avec le DPG), le pôle économique Mediafin (avec De Tijd et L’Echo ; en partenariat avec Roularta), un pôle Sudmedia (càd. des médias régionaux) et le pôle Le Soir » avec principalement le journal, le magazine Soirmag ainsi qu’un quotidien belge de langue allemande : Grenz Echo.

Horizons : Tu es donc le patron du pôle Le Soir. En quoi consiste ton travail ?

O.DR : Je suis effectivement le patron du pôle Le Soir dans son ensemble, mais chaque média du groupe a son rédacteur ou sa rédactrice en chef, responsable de la ligne éditoriale et du contenu de son média. Je suis comme un chef d’orchestre chargé de définir, avec les équipes, le cadre stratégique dans lequel on travaille, d’initier le plan d’évolution qui est le nôtre, de vérifier si les décisions prises correspondent à nos objectifs, de piloter nos finances, de travailler avec les annonceurs, de régler les soucis du quotidien : les relations, l’emploi, etc.

La mission du Soir est de fournir une information de qualité. Il nous est impossible de la fournir gratuitement. Il n’y a pas de modèle économique publicitaire qui puisse financer un média gratuit d’informations de qualité. Nous nous devons de fournir à nos lecteurs une information de qualité mais elle a un prix. C’est à l’opposé des réseaux sociaux qui nous inondent de multiples informations mais dépourvues de qualité et souvent très questionnables.

Horizons : Peux-tu expliquer ?

O.DR : Avec l’arrivée d’internet, un nouveau canal d’informations est apparu. Tous les médias s’en sont saisi mais très vite, ils ont constaté que la gratuité ne permettrait pas de tenir dans la durée et ce, malgré le développement d’un nouveau marché publicitaire. Les sites d’information se sont alors fermés progressivement même si des informations factuelles y sont demeurées gratuites. Pour avoir accès aux contenus à haute valeur ajoutée, fruit d’un travail rédactionnel conséquent, il est nécessaire de s’abonner.

Horizons : Et donc un des défis du Soir est d’acquérir de nouveaux abonnés dans un monde digital. 

O.DR : Oui ! En effet, pour la presse, le lectorat papier s’érode et nous devons le remplacer sur par un autre qui n’a pas nécessairement feuilleté un journal papier dans sa jeunesse. Le défi est donc de s’adresser à ce nouveau public en le fidélisant par la qualité de notre contenu et en le convainquant de souscrire un abonnement digital. Aujourd’hui, plus de 50% des abonnés du Soir ne sont que digitaux. Et le restant sont des abonnés qui nous lisent à la fois en papier et nos supports digitaux.

Horizons : Et pour la viabilité du Soir, il te faut aussi amener de la publicité.

O.DR : En effet, c’est un autre défi à relever : chercher des annonceurs publicitaires. Aujourd’hui, 40% des revenus du Soir viennent de la publicité. Dans ce domaine-là, nous subissons la concurrence de Google, Facebook, etc. qui captent aujourd’hui la plus grande part du marché digital. Ces acteurs ont de très nombreuses « datas » sur leurs utilisateurs : ils savent tout d’eux. Bien que nous travaillions également à connaître nos lecteurs, nous ne pouvons pas et ne voulons pas les concurrencer dans ce domaine. Notre meilleur argument pour convaincre les publicitaires, comme les lecteurs d’ailleurs, est la qualité rédactionnelle de notre média. Il faut que nos annonceurs sachent et se rendent compte qu’avec Le Soir, ils sont dans un environnement de qualité pour leur publicité. Nous gérons donc à la fois une transformation rapide des moyens de s’informer et de la relation aux médias, mais aussi une évolution très fondamentale de l’environnement publicitaire.

Horizons : Y a-t-il encore un autre défi ?

O.DR : Pour moi, il est de taille ! Le défi de l’éducation aux médias. Sensibiliser tout public et les jeunes en particulier à la qualité des informations et à l’indépendance des médias. Je serai direct ! Les réseaux sociaux sont des médias de conversation faite de rumeurs. Sur ces réseaux, une information sensationnelle – fausse très souvent – circule beaucoup plus vite qu’une vraie. Le défi est donc de donner aux citoyens et aux jeunes les clés pour comprendre l’environnement dans lequel ils vivent et pour discerner où se trouve la vraie information. Et ici, je dis : merci à St-Michel et à Monsieur Maingain en particulier. Pendant un mois, dans son cours de français, en 4ème année, il nous a donné des clés pour lire les médias. Et cela a incontestablement joué dans mon attrait personnel pour la presse. Voilà un type de cours qui devrait figurer, de manière bien plus structurelle, dans tout cursus scolaire. C’est un défi démocratique !

Horizons : Question personnelle pour terminer cette interview : comment un patron de presse se détend-il ?

O.DR : Comme je fais un métier passionnant qui m’intéresse et qui me donne du sens, il constitue un élément  fondamental à mon équilibre. Mais, bien sûr, ma famille en est un autre. J’ai rencontré mon épouse à Paris quand j’y travaillais. Elle est allemande, travaillant autrefois dans les ressources humaines de grands groupes à Paris et puis à Bruxelles. Elle est actuellement coach en développement personnel, tant en entreprise qu’en privé. Nous avons trois enfants : 2 garçons et une fille. Deux sont à St-Michel et bientôt aussi le benjamin. J’aime beaucoup le sport et j’en fais quand j’ai le temps : tennis, vtt et autrefois le hockey. J’étais joueur et ces dernières années j’ai coaché mes enfants et mon épouse ! Elle et moi, nous apprécions beaucoup Bruxelles comme cadre de vie et surtout pour sa diversité culturelle.

Horizons : Grand merci, Olivier, d’avoir partagé pour Horizons ton travail et ta passion pour la presse.

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