Interview de Monsieur Didier Xhardez, Préfet du 3ème degré

Philippe Stiévenart a rencontré pour Horizons Didier Xhardez, Préfet du 3ème degré qui lui a succédé, il y a 9 ans déjà. Quand un Préfet rencontre un autre Préfet, que se racontent-ils ? Mais bien sûr, des histoires de préfets !

Horizons :  En novembre 2010, Monsieur Xhardez, vous arrivez au Collège St-Michel et vous prenez la direction du 3ème degré. Que faisiez-vous auparavant ?

Monsieur Xhardez :  J’étais professeur de langues anciennes au Sacré-Cœur de Jette et j’y exerçais cette fonction depuis 1992. Je suis originaire du Brabant wallon. Mes primaires se sont déroulées à Rixensart et j’ai fait mes humanités à l’Institut St-Boniface à Ixelles (le décret Inscriptions n’existait pas à l’époque…). Ensuite j’ai étudié la philologie classique à Louvain-la-Neuve : une licence et un doctorat achevés en 1991. Puis, après mon service militaire, je suis devenu professeur au Sacré-Cœur de Jette en 1992.

Horizons : Vous ne connaissiez donc pas St-Michel avant 2010 ?

Monsieur Xhardez : Je le connaissais un peu car j’y avais fait ma leçon d’agrégation dans une classe de 4ème sur un texte de Salluste. Un passage d’agrégation constitue toujours un souvenir marquant pour un professeur ! Par la suite, je suis revenu plusieurs fois à St-Michel où ont été organisées certaines formations continues en latin et en grec sous la conduite de conseillers pédagogiques, comme le regretté Monsieur Gérard Schouppe qui était aussi professeur au collège. 

Horizons : Quelles sont vos premières impressions en arrivant en 2010 à St-Michel ?

Monsieur Xhardez : Une impression de grandeur : le bâtiment, la longueur des corridors, le nombre de professeurs et le nombre d’élèves – à Jette, il n’y en avait que 800 !… J’ai ressenti aussi le très bon accueil des professeurs et des éducateurs/trices : ce qui a facilité mon intégration. Et puis surtout il y a eu l’équipe de direction qui m’a beaucoup aidé.

Horizons : C’est-à-dire ?                   

Monsieur Xhardez : Le bureau de direction rassemble les directeurs du secondaire et du primaire, les sous-directeurs des autres degrés et de la section professionnelle, ainsi que (plus récemment) le responsable des services généraux. Nous formons une équipe qui a une vision commune sur le collège et qui intègre nos différentes sensibilités individuelles et les modes de fonctionnement propres aux trois degrés. Aujourd’hui je perçois toujours ce même esprit d’équipe et de cohérence afin que toutes les composantes du collège vivent et se déploient le mieux possible. 

Horizons : En arrivant à St-Michel, vous ne connaissiez donc pas la pédagogie jésuite ?

Monsieur Xhardez : J’en connaissais sa bonne réputation mais aussi les clichés qu’elle véhicule. Heureusement, pour les enseignants qui, comme moi, ne sont pas issus d’un collège jésuite, la Coordination belge des collèges organise des formations pour mieux connaître la pédagogie ignatienne (j’ai notamment eu la chance de vivre un séminaire à Loyola en février 2013). En ce domaine-là aussi le bureau de direction du collège m’a considérablement aidé. Je crois vraiment à l’actualité de la pédagogie jésuite, à cette « cura personalis », comme on dit.  Prêter attention avec bienveillance et respect à toute la personne de l’élève afin qu’il puisse déployer au maximum ses propres ressources. C’est l’invitation à l’excellence. Et elle s’adresse de même à tous ceux qui ont « soin » des élèves : enseignants comme directeurs.

Horizons : Quelles sont vos tâches prioritaires de préfet du 3ème degré ?

Monsieur Xhardez : Mes missions prioritaires sont de veiller au bon fonctionnement du 3ème degré, au bien-vivre ensemble ainsi qu’au bien-être des professeurs et des élèves. Susciter l’implication des élèves dans leur scolarité, leur apprentissage progressif et leur réflexion sur leur orientation future. Etre attentif aux élèves qui sont en situation difficile (décrochage scolaire, problèmes familiaux, crises existentielles, harcèlement via les réseaux sociaux, etc.) avec la collaboration et le soutien des titulaires, des éducateurs, du CPMS, etc. De même, un préfet se doit de promouvoir et soutenir les initiatives et le dynamisme des professeurs dans leur tâche d’éducation et d’enseignement. 

Horizons : Pour que les lecteurs d’Horizons comprennent, pourriez-vous citer quelques exemples ?

Monsieur Xhardez :  La liste serait longue, mais je vais en citer quelques-uns. Il y a la participation des élèves à différents concours : Olympiades de math ou de sciences, les Rencontres latines, la Journée grecque, le Prix Lambrette (tournoi d’éloquence), les expos sciences, etc. Il y a aussi des actions pédagogiques ciblées : les informations sur les études supérieures, les rencontres avec des Anciens dans divers secteurs professionnels, les journées d’échanges linguistiques, la sensibilisation au « métier d’étudiant », les aménagements scolaires pour des élèves à besoins spécifiques (les dyslexiques, les hauts potentiels, etc.). Je veux aussi signaler toute une série d’actions de solidarité ou d’ouverture au monde : la participation d’élèves du 5-6 au tutorat d’élèves en difficulté au 1er degré ; l’implication dans divers engagements sociaux (aide aux personnes handicapées ; gestion du magasin Oxfam ; engagement dans la cellule Amnesty ; retraites sociales en 5ème ) ; les retraites et voyages en 6e. Au 3ème degré sont aussi organisées des actions éducatives : la sensibilisation des jeunes aux problèmes d’assuétude, la venue annuelle d’un rescapé d’Auschwitz, etc.  De même, la sensibilisation à l’environnement et à l’éco-durable. Ainsi, lors de la journée des rhétos (la fête des 100 jours avant la fin de la rhéto) des ateliers ont été organisés autour de thèmes tels que le recyclage, le gaspillage alimentaire, l’agriculture intensive, le bio, les voyages alternatifs, etc. Bref, voilà quelques activités du 3ème degré, en dehors des cours proprement dits.

Horizons : Tout ce que vous venez de présenter du 3ème degré, c’est – permettez-moi l’image – « la jolie vitrine du 5-6 », mais je sais qu’il y a dans la vie d’un sous-directeur des aspects plus austères, plus difficiles. Quels sont-ils pour vous aujourd’hui ?

Monsieur Xhardez : La difficulté à gérer en même temps toutes les missions qui sont aujourd’hui confiées à l’école. Un sous-directeur est responsable de l’éducation, de l’enseignement, des apprentissages, du vivre ensemble et de la gestion du degré. En ressentant cet écartèlement, je pense à ces mots de Sénèque : « Nusquam est qui ubique est » (Il n’est nulle part celui qui est partout)… Une autre difficulté vécue est l’amplification des contraintes administratives et techno-bureaucratiques. Par exemple, tout le monde a entendu parler du décret « Titres et fonctions » : sans entrer dans les détails, ce décret est censé mieux baliser la fonction d’enseignant pour améliorer le niveau d’enseignement mais dans sa mise en œuvre il se heurte à la pénurie d’enseignants : il multiplie dès lors les classes sans professeur et la surcharge administrative, sans parler de la « dislocation » des charges d’enseignant (et les titulariats seront progressivement mis à mal !). Ce décret comme tant d’autres est révélateur du manque de confiance du législateur à l’égard des responsables de terrain ou du cadenassage de leur autonomie.

Horizons : Et pour les élèves du 3ème degré, qu’est-ce qui est le plus difficile selon vous ?

Monsieur Xhardez : C’est gérer les exigences de leur formation actuelle et de leur projet d’études supérieures face aux multiples sollicitations de leur vie personnelle ou vie associative et celles des réseaux sociaux. Certains élèves ont de grandes difficultés à organiser leur temps et à planifier leur travail. Le manque de travail régulier ou la procrastination sont souvent les causes des difficultés d’apprentissage. C’est vrai dans le secondaire et encore plus dans l’enseignement supérieur !

Horizons : En évoquant l’enseignement supérieur, vous parlez d’expérience car en même temps que vous êtes sous-directeur à St-Michel, vous êtes chargé de cours aux Facultés Saint-Louis. Pouvez-vous expliquer brièvement comment cela est arrivé et si cette fonction est compatible avec votre responsabilité de préfet au collège ?

Monsieur Xhardez : Relativisons d’abord ! Je donne seulement à St-Louis deux heures de latin, lors du 1er quadrimestre. C’est un cours de traduction-explication de textes pour les étudiants de 1er baccalauréat en romanes, histoire ou philosophie.  A la fin de mon doctorat, j’ai eu l’opportunité d’être engagé à St-Louis et durant mon professorat au Sacré-Cœur de Jette, j’ai pu continuer à le donner. Les directions de Jette et maintenant de St-Michel m’ont permis de cumuler ces deux fonctions et je les en remercie,  car pour moi c’est très important.

Horizons :   Pourquoi ?

Monsieur Xhardez :  Avec ce double positionnement, j’ai le privilège d’être au carrefour des enseignement secondaire et supérieur, et ainsi témoin des évolutions des cursus secondaires et supérieurs. Et cela m’éclaire davantage sur mes responsabilités de préfet du 3ème degré.

Horizons : Nous allons arrêter ici notre conversation. Je crois que les lecteurs de Horizons vous connaissent un peu mieux. Merci, Monsieur Xhardez, d’avoir accepté cette interview.

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