Asbl. Infirmiers de rue *

Rencontre de l’Asbl : « Infirmiers de rue »

En février 2023, dans le cadre des rencontres des rhétos du collège avec des Ancien(ne)s engagés dans des métiers de la santé, les rhétos ont fait la connaissance de Pierre Ryckmans (Ads 1982).

Médecin généraliste de formation, il s’est d’abord consacré à la médecine humanitaire avec Médecins sans frontières, en Afrique centrale et de l’ouest, pour ensuite revenir en Belgique sur des projets de médecine sociale, avec MSF d’abord, Médecins du Monde ensuite.

Il a rejoint Infirmiers de rue en 2009, d’abord à temps partiel, puis à temps plein. Il y remplit aujourd’hui des fonctions de supervision et de coaching des équipes de terrain, ainsi que de coordination générale. Son plaidoyer visant un changement en profondeur de la société, sur des questions environnementales ou sociétales directement en lien avec la santé, est pour lui un complément indispensable au travail clinique.

Pour comprendre que la seule solution valable au sans-abrisme est le logement, voici un parcours rapide de l’histoire et des priorités aujourd’hui de l’ASBL Infirmiers de rue.

Horizons le reprend à la revue de janvier 2023 de l’Asbl. https://www.infirmiersderue.be/fr

Émilie Meessen est jeune infirmière lorsqu’elle fait le constat suivant : malgré le grand nombre d’associations médico-sociales présentes à Bruxelles, il existe toujours énormément de personnes sans-abri. Elle décide alors, avec son amie Sara Janssens, de fonder Infirmiers de rue ASBL en 2005.

Au fil des années, l’ASBL développe une méthodologie basée sur l’hygiène, la santé et les ressources personnelles, afin de créer un lien avec les personnes sans-abri les plus vulnérables et les aider à trouver un logement stable et durable. Le logement devient un élément essentiel à leur travail.

Infirmiers de rue compte aujourd’hui, début 2023, plus de 50 employé(e)es à Bruxelles et 10 employé(e)s à Liège, une équipe multidisciplinaire d’infirmiers/ières, travailleurs et assistants sociaux, éducateurs, un médecin, et une équipe de gestion.

L’association est active avec des équipes en rue, en logement pour les personnes relogées et une équipe de recherche et de création de logements. A côté de cela, elle développe aussi des activités au niveau de la sensibilisation et du plaidoyer pour pouvoir arriver à des solutions structurelles qui mettront fin au sans-abrisme à Bruxelles, à Liège et ailleurs.

Emilie Meessen, co-fondatrice, et Pierre Ryckmans médecin, font le point sur toutes ces années de prise en charge des personnes sans-abri.

Comment se sont-ils adaptés, avec leur équipe, au travail de terrain et à l’évolution du profil de leurs patients ? Comment ont-ils vécu ces changements et qu’ont-ils mis en place pour tenter d’apporter une réponse au défi du sans-abrisme ?  La remise en logement est rapidement apparue comme une solution incontournable. Explications

Comment est venue l’idée de créer un pôle logement ?

Emilie : « Le but initial de notre organisation était d’aller vers les personnes sans-abri et d’établir un contact avec elles. Au début, notre mission était de leur venir en aide sur le plan de l’hygiène et des soins médicaux, dont la plupart avaient grandement besoin ainsi que la mise en valeur de leurs ressources personnelles… Au fil des années, on a dû apprendre à se limiter par rapport au nombre de personnes à qui venir en aide, pour s’assurer de les revoir et ainsi, d’instaurer une régularité dans leur prise en charge, et de véritables progrès. On a vite constaté que la personne, une fois qu’elle retrouvait confiance en elle, retrouvait également confiance en l’avenir. Mais on ne pouvait pas concevoir cet avenir en rue, ne serait-ce que pour des raisons de survie à long terme. A ce moment-là, on a réalisé qu’il fallait aller plus loin dans le travail de suivi de nos patients, et on a donc envisagé la remise en logement. »

Pierre : « En effet, au départ nous étions juste préoccupés de remettre les gens en lien avec le système de santé, et nous considérions le logement comme une plus-value sociale, mais qui ne nous concernait pas. Jusqu’au jour où nous avons constaté que des personnes bien suivies médicalement décédaient tout de même prématurément tant qu’elles restaient en rue. Nous avons alors changé notre fusil d’épaule et commencé à chercher des solutions de relogement. On était à l’affût de tout type de solution :  maison de repos, centre de soins, maison d’accueil, maisons communautaires,… mais les recherches prenaient énormément de temps pour peu de solutions. En 2011, nous avons décidé de chercher également des logements individuels.  En 2013 nous avons relogé notre premier patient en logement individuel, et le pôle logement, chargé de l’accompagnement en logement, a vu le jour, en complément du pôle rue déjà existant. Cela fait donc déjà 10 ans que notre premier patient a pu être relogé. Depuis lors, ce chiffre n’a jamais cessé d’augmenter. Il y a eu un effet boule de neige, les personnes étaient motivées de voir que d’autres avaient réussi à se reloger et se sont dit : « pourquoi pas moi ?  À ce jour 164 personnes ont été relogées durablement. »

Qu’apporte un logement à vos patients ?

Pierre : « Selon nous, des logements décents sont la clé pour le problème du sans-abrisme et font partie du traitement de la personne. Le logement permet à la personne de reprendre sa vie en main, de se sentir en sécurité et s’intégrer à nouveau dans la société. Il est également plus facile de soigner la personne, sur le plan physique et mental, quand elle est stabilisée en logement. Nous devons donc trouver un maximum de solutions de logement. Mais un point important, dont nous devons tenir compte, est de savoir ce dont la personne a vraiment besoin ! Il faut s’adapter en fonction de la demande. Un logement individuel n’est pas toujours la meilleure solution. Certaines personnes se sentiront plus en sécurité si elles sont logées dans une institution, par exemple. »

Emilie : « De plus, les années de crise sanitaire ont encore plus ouvert les yeux sur l’importance d’avoir un logement. Certains de nos patients ont été mis à l’abri temporairement dans des hôtels. Ce type de logement leur a procuré des conditions d’hébergement bien plus favorables que dans des centres collectifs d’urgences : plus d’intimité, des salles de bains et toilettes séparées, un hébergement 24h/24h et non plus de 18h à 8h. Cela a permis, aux travailleurs de CPAS notamment, de se rendre compte que quand les gens sont hébergés décemment et dans de bonnes conditions, cela facilite le suivi et il y a donc moyen de faire du travail d’insertion. On espère pouvoir continuer sur cette lancée et reloger un maximum de personnes qui ont eu l’occasion d’être hébergées à dans un hôtel. »

Comment en êtes-vous arrivés à faire du Housing First ?

Emilie : « Comme l’explique Pierre, certains, parmi nos premiers patients, ont pu intégrer des institutions, des maisons de santé et être ainsi relogés durablement. Mais à un moment donné, on s’est rendu compte que public qu’on suivait ne correspondait pas toujours aux conditions pour ce type de logement. On s’est alors tourné vers du logement individuel pour compléter nos possibilités de sortir les personnes de la rue. Un peu par hasard – ou l’air du temps- c’est à ce moment-là, en 2013, que les premiers projets Housing First ont été financés en Belgique. Avec l’association Smes-B nous avons été les deux premiers projets HF à Bruxelles, à présent il y en a six ! Le principe du Housing first c’est que la personne est très rapidement relogée, avec peu de conditions – payer son loyer et respecter son environnement. C’est dans son logement qu’elle va pouvoir se reconstruire progressivement, avec l’aide de l’équipe d’accompagnement qui la suit, d’abord de façon intensive, puis de façon plus espacée, au fur et à mesure de l’autonomisation.

Pierre : « Il y a également eu toute une réflexion sur la création d’un bâtiment, basé sur un modèle new-yorkais qu’on a été visiter, et que nous avons finalement réussi à mettre en place à Bruxelles. L’immeuble comprend plusieurs appartements dédiés aux personnes anciennement sans-abri. Maintenant, en complément à ce type de logement, on met en place des logements modulaires sur des terrains inoccupés.

La vision et la méthodologie de l’association n’ont jamais cessé d’évoluer au fil du temps. Au point que maintenant, on affirme que la fin du sans-abrisme est possible, ce qu’on n’imaginait même pas avant. »

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Si vous désirez faire un don à l’asbl  Infirmiers de rue, vous contribuerez à sortir de la rue des personnes sans-abri qui y vivent depuis longtemps : IBAN: BE91 0014 6955 7676

Merci d’avance.

Cotisations

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