Ignace de Loyola, un saint du XVIe siècle devenu modèle de l’entreprise du XXIe siècle, par Maurice Selvais (ads 2011)

Il y a près de 500 ans, saint Ignace montrait comment diriger une entreprise mondiale.

Quand le pape François fut élu par le conclave en 2013, le monde entier l’acclama et le fit savoir. François était le premier pape non-européen depuis plus de mille ans, et aussi le premier jésuite. Alors que son arrivée focalisa une nouvelle attention sur l’ordre des jésuites, la Compagnie de Jésus quant à elle subsiste depuis 1540 – malgré sa suppression partielle à la fin du XVIIIe et au début du XIXe siècles -, date à laquelle elle fut fondée par saint Ignace de Loyola.

Un saint peut sembler être une source surprenante d’inspiration pour le doyen d’une école de commerce, mais plus de 350 ans avant le décernement du premier diplôme MBA, saint Ignace nous apprenait comment diriger une entreprise multinationale. Beaucoup de directeurs aujourd’hui seraient fiers d’imiter ses principes et son approche. Son esprit entrepreneurial et son génie organisationnel ont conduit à la création d’un vaste organisme mondial, lequel a prospéré et accompli sa mission depuis bientôt un demi-millénaire. Ces principes sous-tendent la gestion ainsi que la transmission de la vision de nombreuses écoles de commerce, y compris et particulièrement celles de la McDonough School of Business (NDLR : l’auteur de l’article, Paul Almeida, y enseigne et en est le doyen), la faculté de commerce de la Georgetown University – la plus ancienne institution catholique et jésuite d’enseignement supérieur des Etats-Unis d’Amérique, fondée en 1789 à Washington, D.C.

Tous les experts en matière de leadership soulignent l’importance de diriger par l’exemple et en restant au contact, de diverses façons qui fassent sens, avec ceux qui se trouvent en-dehors du sommet « C-suite »(1) de l’échelle de management ou d’une caste privilégiée. Saint Ignace est né dans ce qu’on pourrait appeler la « C-suite » de la société de son époque. En tant que noble, il a passé sa jeunesse parmi la jet-set d’alors. Mais bientôt il abandonna les frivolités mondaines pour se dévouer entièrement à Dieu, se dépouilla et mendia pour survivre. On admire aujourd’hui le directeur général qui déjeune à la cantine du staff, tout comme les images du pape François qui s’extrait de sa voiture étroite pour venir au contact des laissés-pour-compte en allant littéralement les toucher.

Saint Ignace a compris que la gouvernance partagée aiderait à attirer et libérer le meilleur de chacun. Le leadership n’implique pas simplement d’articuler une vision mais aussi d’inspirer aux autres l’envie de la suivre et de la mettre en pratique. Prenons saint François Xavier, qui voyagea à Goa, en Inde, en 1542 et qui y établit la première école jésuite. Pensons au courage qu’il lui a fallu pour voyager dans ces nouvelles contrées sans arme pour se défendre ni bourse profonde pouvant faire face à tout imprévu. Il a eu le courage et s’est engagé dans la vision de la compagnie de faire la différence, positivement. Un tel courage est souvent difficile à imaginer aujourd’hui, à une époque où nous vivons dans un monde interconnecté avec des défis d’un tout autre ordre que ceux de la découverte du monde.

Le type d’humilité montré par saint Ignace engendre la confiance. Il délègue des responsabilités à une époque où la stricte hiérarchie prévalait. La confiance implicite dans les pratiques modernes de gouvernance partagée, de délégation et de renforcement des employés est fondamentalement enracinée dans l’humilité d’un leader.

Il est largement accepté aujourd’hui que les organisations ont besoin d’une mission et d’une culture fortement partagées pour trouver des stratégies et les exécuter. Saint Ignace a compris l’importance d’une telle conceptualisation pour la Compagnie de Jésus. A travers les Exercices Spirituels, les prières et les pratiques contemplatives qu’il a développés et qui sont encore aujourd’hui largement utilisés, il a aidé les jésuites à comprendre qui ils étaient et ce qu’ils étaient. A l’heure de sa mort, les prêtres déjà aussi loin que le Brésil ou le Japon, sans connexion avec Rome, étaient guidés entre eux par un but commun. Sans la technologie actuelle ou les possibilités de se voir en vidéoconférence, saint Ignace les relia en une communauté mondiale de buts et de valeurs partagés.

Structures, systèmes et processus, déclinés en une multitude de configurations, définissent la vie d’une organisation et ce qu’elle doit faire correctement. Saint Ignace expliqua en détail dans les Constitutions jésuites comment la Compagnie de Jésus opérerait. Il décrit tout, depuis les règles pour ceux qui rejoignent le séminaire au rôle des supérieurs jésuites, y compris comment structurer l’organisation, entraîner les gens et leur donner la flexibilité nécessaire pour bâtir leurs vies.

Saint Ignace souligna le besoin d’autoréflexion et d’auto-connaissance, comme nous encourageons aujourd’hui les gens à connaître leurs forces et leurs faiblesses. Il laissa également beaucoup à la discrétion des décideurs locaux, équilibrant structure globale et flexibilité locale.

Les principes ignaciens ont inspiré des générations de leaders, d’enseignants et d’étudiants. Mais saint Ignace est également un héros du management. Les principes et les exercices qu’il mit en place ont survécu cinq siècles durant et se trouvent au cœur d’une organisation multinationale complexe qui gère des centaines d’écoles secondaires et 175 universités à travers le monde, et qui est engagée dans des activités diverses allant des soins de santé à l’assistance aux réfugiés. Guidée par les principes établis par saint Ignace, la Compagnie de Jésus a un remarquable bilan d’amélioration de notre monde.

Traduit librement par Maurice Selvais, d’après : Paul Almeida, « Why a 16-century saint is a model of modern management », Financial Times, 15 octobre 2017.

(1) Ce terme fait référence aux directeurs les plus influents d’une entreprise. L’utilisation de la lettre C vient des titres (en anglais) décernés aux membres de la caste des dirigeants au sein d’une entreprise : CEO (chief executive officer – directeur général), CFO (chief financial officer – directeur financier), COO (chief operating officer – directeur opérationnel), CIO (chief information officer – directeur « infocom »).
Inspirant : Les principes de Saint Ignace de Loyola ont créé une organisation internationale importante et résiliente.

Inspirant : Les principes de Saint Ignace de Loyola ont créé une organisation internationale importante et résiliente.

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