Notre aîné, ses souvenirs. Rencontre avec le Doyen des Ancien(ne)s, José Hissette
Force est de constater que, quel que soit notre âge, nous sommes toujours « ancien(ne)s » de « quelque chose » ; que ce soit d’une quelconque association, d’un club, d’un collège, d’une école, d’une université ou encore d’une crèche ou du ventre de sa mère. Néanmoins, certains, permettez-moi l’expression, sont plus « anciens » que d’autres. C’est aujourd’hui notamment le cas de José Hissette, un des doyens de notre Association Royale des Ancien(ne)s Elèves de Saint-Michel. Compte-rendu d’une rencontre dominicale. Récit d’un parcours exemplaire et remarquable. Anecdotes.
Un parcours
Né en 1913 et estampillé « ADS 1931 », Monsieur José Hissette a passé des merveilleuses années au Collège Saint-Michel. Les plus matheux d’entre nous tiqueront sur la non-concordance des dates de naissance et « de sortie ». José Hissette livre son explication : « comment se fait-il que je sois sorti en 1931 et non en 1930 ? En réalité, j’ai doublé ma 6ème latine car ma famille m’avait envoyé, un moment, en pension à Louvain chez les Joséphistes. Mais je ne m’y plaisais pas du tout ! Je me suis arrangé pour me faire foutre à la porte avec la complicité de ma maman pour retourner à Saint-Michel ; ce dont je suis très fier … ».
S’en suit donc une éducation à Saint-Michel et puis à Leuven. « J’étais en humanités gréco-latines, puis j’ai fait le droit et les sciences fiscales et financières à Leuven (près du Oude Markt). J’ai été stagiaire un an et demi chez le Baron Pierre Nothomb, avant de rentrer en 1937/1938 à la Banque de Bruxelles pour un stage qui m’a fait travailler dans de nombreux services. Nous étions une demi-douzaine de stagiaires à la Banque de Bruxelles et, à la fin, j’ai été nommé 1er des stagiaires ».
Ayant également accompli son service militaire, et la guerre terminée, José Hissette s’envole vers de nouvelles aventures. « Je me suis d’abord marié en 1945 et je suis parti ensuite au Congo où ma femme m’a vite rejoint. C’était la période héroïque pour trouver des transports pour l’Afrique. Nous mettions 3 jours pour aller à Léopoldville (à bord d’un avion démobilisé de l’armée !). Dans cet avion, d’ailleurs, il y a avait également le Père Mols qui était le Directeur du Collège Jésuite Albert Ier de Léopoldville. C’est là que j’ai fait la connaissance de ce grand homme ».
« En Afrique, de 1945 à 1956, je suis passé d’abord à la Banque Belge d’Afrique (filiale de la Banque de Bruxelles) pour ensuite rejoindre la Société Congolaise de Banque où j’ai été nommé Directeur. Mon diplôme de sciences fiscales et financières contenait un cours sur les opérations de banque donné par le Professeur Moxhon, Directeur du Crédit Anversois. Cela m’a été fort utile ».
« De retour à Bruxelles, je suis devenu sous-directeur à la Banque Lambert. Puis, j’ai été nommé Directeur des crédits. Après cela, je suis passé à la Banque devenu Bruxelles-Lambert ».
Cette première carrière bien achevée, José Hissette n’a pas pour autant tourner la page de ses activités et a toujours gardé des liens étroits avec le continent africain. « J’arrivais à la fin de ma vie professionnelle et j’ai alors commencé à accomplir de nombreux projets pour l’ONU en tant que project manager. J’ai été au Burundi principalement, mais j’ai voyagé dans toute l’Afrique. Je m’occupais de projets de développement en étant affecté à une banque de développement. J’ai aussi été chargé d’une mission au Rwanda pour la Coopération belge ; mission ayant pour but de fonder la Société hypothécaire au Rwanda ».
Des anecdotes au Collège
Tous ceux qui y sont passés le savent : la vie au Collège n’est jamais un long fleuve tranquille. De rencontres marquantes en anecdotes, José Hissette a beaucoup d’histoires à raconter à propos du Collège. Il nous livre ses plus beaux moments … teintés d’humour.
« Tout d’abord, la période 1921-1931 était une période assez glorieuse pour le Collège. Cette période, que nous vivions, était une période heureuse. Nous avions gagné la guerre, les colonies de développaient et étaient prospères et tout cela marchait bien … Au Collège, nous avions de temps en temps des visites de personnages importants. Je me souviens de celle de la Princesse Elisabeth de Belgique (notre future Reine) et de celle de l’Impératrice Zita … Il y avait également un Napoléon, élève du collège, différent de Bonaparte, mais je ne sais pas ce qu’il est devenu … ! ».
« Il y a avait aussi des matchs de football entre le Collège et le Collège militaire. Pendant les matchs, il y avait des façons de jouer où nous pouvions quelque peu se bousculer l’un et l’autre. Il n’était pas rare de voir le Prince Léopold se prendre quelques charges mais au final c’était son équipe qui gagnait les rencontres ».
« Une autre anecdote du Collège concerne les relations entre les élèves. Tout au début quand j’y étais, il y avait parmi les élèves des anciens volontaires de 14/18 qui avaient fait la guerre. A ce moment-là, quand les gens discutaient entre eux, il y en avait toujours un qui affirmait « de toute façon, vous ne savez rien, vous n’avez pas fait la guerre ! » Cela finissait par sortir ; ils avaient tout le temps soi-disant raison. Un jour, il y a eu une vraie bagarre entre un élève ancien volontaire et un autre ; les deux saignaient violemment du nez. Un surveillant jésuite s’est pris des coups en essayant d’intervenir. Cela m’a beaucoup impressionné ; moi qui qui avait 9 ans à l’époque environ … »
Et la meilleure de toute pour la fin. « Il y a eu aussi dans cette période immédiate après la guerre, une exposition soviétique à Bruxelles. Une exposition qui voulait exprimer toute la grandeur et splendeur des soviétiques. Il y a avait, dans cette exposition, une statue de Lénine. Mais un élève du collège, du nom de Van Ypersele (…), s’empara de cette statue à l’exposition et la balança par la fenêtre ! Le tout, bien évidemment, à la grande fureur des Soviétiques demandant peut-être son renvoi du Collège. Il fut renvoyé, mais sans doute avec toutes les félicitations de l’équipe jésuite … »
Une éternelle reconnaissance pour les Jésuites
José Hissette a beaucoup d’admiration pour les Jésuites et est très reconnaissant de tout ce qu’ils lui ont appris. « Pour moi les jésuites, je les aime. Ce sont des gens honnêtes, sérieux, qui ont de l’ambition, travailleurs et qui m’ont appris beaucoup de chose ».
« Je tiens à rendre hommage à tous les professeurs que j’ai eus, tous des Jésuites sauf un qui était laïc. Et je voudrais exprimer tous mes remerciements pour m’avoir formé dans l’éducation de Saint-Ignace qui a traversé les âges, et qui a maintenant l’expérience de plusieurs siècles. Cette éducation, basée sur ses principes, s’appuyait sur une énorme espérance. Et actuellement encore, même s’il n’y a plus que peu de Jésuites sur place, cette notion se retrouve dans l’enseignement du Collège.
Deux de mes petits enfants ont chacun fait leur étude au Collège et sont très imprégnés de cet esprit d’espérance qui leur a été enseigné. Les résultats auxquels ils arrivent sont assez brillants grâce à cette formation ».
Et le mot de la fin …
Nous conclurons cette belle rencontre avec quelques considérations sur notre époque. « La période actuelle est une période déprimante. Les gens sont trop tournés vers l’argent, vers le fait de gagner de l’argent. L’argent prend la place de Dieu, et cela se propage. Par exemple, parmi mes contemporains, anciens du Collège, il devait y avoir 2/3 divorces pour 74 personnes … A l’heure actuelle, il est inutile de dire qu’à Bruxelles 70% des mariages n’aboutissent pas à grand-chose. A l’époque, il y a avait aussi des ministres qui travaillaient gratuitement !
Mon épouse et moi avons vécu 60 ans ensemble, elle est décédée il y a 5 ans. Nous avons eu 5 enfants. Elle pouvait m’entendre penser … La formation reçue à Saint-Michel constitue un soutien important pour moi. Elle m’amène à dire, dans mes prières au Seigneur : « Seigneur donne-moi l’ardeur dont j’ai besoin pour mener à bien les tâches qui sont les miennes et accomplir ta volonté » ».
Notre dernier sujet abordé lors de notre rencontre bouclera la boucle : quel avenir et que penser de notre Association. La disparition du papier de notre magazine en attriste plus d’un et risque de nous éloigner encore plus tout en créant un fossé de générations. « C’est tout à fait regrettable car tout le monde n’a pas l’occasion de consulter l’internet. Cela coute cher mais nous sommes prêts à payer … Les revues du temps de Michel Jadot étaient extrêmement bien faites. Son reportage-article de sur les Francs-Maçons m’a beaucoup marqué ».
« Au sein de note Association, les relations se sont fort développées. La manifestation du centenaire c’était bien, mais cela crée-t-il beaucoup de résultats ? » C’est alors sur quelques mots que nous nous sommes quittés. Fiers d’appartenir à une si belle famille dont il faut, comme toujours, prendre soin chaque jour en ayant une attention particulière pour chacun membres qui la composent. Ces résultats, dont il nous parle, n’attendent que nous pour se concrétiser. Merci José pour cet après-midi.