Hommage à Guy

Voici un article rédigé par notre ami Guy Nauwelaers, qui nous a quittés. Qu’il soit ici encore une fois remercié pour son aide, son dynamisme, sa générosité et ses conseils. Guy nous disait encore au début de l’année : “je voudrais dire merci au Collège d’autrefois, dont le souvenir m’est cher et auquel j’ai voulu rendre à ma façon ce qu’il m’a donné à l’époque : il a fait en ma faveur, lorsque je suis devenu orphelin de guerre, plus que le simple devoir de m’instruire”.

Une des autorités jésuites qui ont configuré l’ambiance dans laquelle nous avons été éduqués  en ces temps-là fut le Préfet de discipline, le Père Brunin.

Évoquonsle dans une première approche  : le recul des années nous permet  maintenant de rectifier les rumeurs dont nos compagnons plus âgés abreuvaient les petits jeunets que nous étions : ” Qui c’est Brunin ? Le fléau des retardataires, la malédiction des bavards dans les rangs ou des chapardeurs de billes, le marteau des hérétiques, le distributeur de retenues. Il a sous ses ordres un personnage boiteux ,  M. Renders, dit pat’à-ressort, exécuteur de basses œuvres :  prendre sur le fait les retardataires errant essoufflés dans le couloir du 24, seul accès encore ouvert après la  fermeture des grilles, apporter en classe les billets de retenue à « faire signer par les parents. » ”

Les jeunets que nous étions au début de notre carrière de collégiens  ne savaient pas encore qu’ une des raisons d’être des plus anciens était d’accabler notre naïveté de rumeurs de cet acabit. Et sachez que  lorsque nous fûmes devenus nous-mêmes anciens, nous avons fait de même !

Rectifions ces rumeurs : Le Père Brunin était un brave homme et intelligent de surcroît : la promotion de la discipline au collège était faite par les élèves eux-mêmes.

Et je prolonge en vous livrant une anecdote qui joint le cocasse au dramatique.

En septembre 1944, Bruxelles était libérée mais la guerre n’était pas encore terminée. En début de l’après-midi, nous étions rangés en silence, prêts à entrer en classe  et je me trouvais en fin de rangée, situation favorisant le bavardage sans être repéré. La discipline, c’est bien mais cela a des limites !

Et voilà que tout à coup nous entendons  tous le bruit caractéristique d’un missile allemand V1. Le moteur de cet engin faisait une pétarade de motocyclette jusqu’au moment où il n’en fit plus du tout : il était en bout de trajectoire et sa chute était alors aussi imminente qu’aveugle. C’est à cet instant que j’ai vu le Père Brunin nous faire signe, avec ses longs  bras et sa stature élancée,  de nous coucher car l’explosion des 600 kilos d’explosif contenus dans l’engin allait se produire dans la seconde suivante : s’il tombait sur tout ce monde, entre les hauts murs de la cour de récréation, quel carnage !

Et moi qui avais une large vue sur toute la surface de la cour et  sur tous les élèves en rang d’oignons, j’ai vu  les dos de mes camarades se courber  dans un grand mouvement synchronisé. Aussitôt  se produisit une explosion terrifiante suivie d’un bruit de verre brisé. Le souffle avait arraché les vitres des classes de leur chambranle et, comme un grillage protégeait les fenêtres, tout ce verre tombait sur les appuis de fenêtre. Aucun élève n’avait été blessé !  Nous fûmes alors nombreux à penser que la Providence nous avait protégés : le missile était tombé sur une maison dans le proche voisinage du collège.

Mais moi, j’ai eu sur le moment une vision saugrenue de ces quelques secondes : Voilà Moïse qui descend du Sinaï, tenant les tables de la Loi, les Hébreux s’agitant dans la vallée et un grand éclair de feu dans le ciel ! 

Il est probable que j’avais déjà vu quelque part la gravure de Gustave Doré  qui illustre mon récit et je ne suis pas loin de croire que c’est ainsi que je n’ai pas eu le temps d’avoir peur !

 

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