Que devenez-vous, Madame Paulus ?

88_1Dans la recherche de « ce que deviennent » les anciens professeurs du collège, Horizons s’en est allé à Rixensart retrouver Madame Michelle Paulus, professeur de mathématique durant de nombreuses années dans les classes supérieures du collège.

HORIZONS : Madame Paulus, pendant combien d’années avez-vous enseigné à St-Michel ?

Madame PAULUS : Si je compte bien, cela fait 37 ans d’enseignement. Je suis arrivée au collège, en 1970, engagée par le Père De Coster, directeur de l’époque qui ouvrait de nouvelles sections : Latin-Sciences, Modernes B et qui recherchait des professeurs de sciences. Quant à ma pension, je l’ai prise en 2007.

HORIZONS : Professeur de sciences ? Mais c’est plutôt comme professeur de mathématique que l’on vous a connue ?

Madame PAULUS : Effectivement, mais les toutes premières années au collège, ce fut la chimie et la physique que j’ai enseignées car je suis licenciée en chimie de l’UCL, Louvain l’ancienne ! Et pour tout avouer…ma première année d’enseignante consistait en un mi-temps à St-Michel et l’autre… à La Vierge Fidèle, où je ne suis restée qu’une année. Heureusement !…J’ai donc fait toute ma carrière à St-Michel. Et je peux même ajouter que je suis de la première génération des professeurs féminins du collège.

HORIZONS : Et entre les sciences et la mathématique quelle fut votre préférence ?

Madame PAULUS : Sans conteste, la mathématique ! Au fur et à mesure que s’ouvraient des cours, j’ai nettement marqué ma préférence auprès du directeur pour avoir des cours de math..

HORIZONS : Vos anciens et anciennes disent que vous aviez une méthode particulière pour enseigner les maths ?

Madame PAULUS : Je ne crois pas qu’elle était particulière mais chaque professeur a ses recettes et ses manies ! Moi, j’expliquais d’abord la théorie aux élèves en sollicitant leur attention pour qu’ils la comprennent. Puis je la dictais. Ensuite je donnais des exercices. Ces exercices devaient être faits dans un cahier de brouillon. Hors du cahier de brouillon, pas de salut ! Pas de feuilles volantes !… Et l’avantage du cahier de brouillon c’est qu’au verso, il y a même les tables de multiplication pour le cas où !… Avec le cahier de brouillon, un indispensable bic à quatre couleurs !… Pas de calculatrice non plus, sauf en cas d’extrême nécessité. On calculait à la main avec moi ! Je passais ensuite entre les bancs pour voir l’avancement des travaux !…puis au même cours ou au cours suivant on corrigeait en envoyant au tableau un élève exposer sa solution. J’insistais aussi à ce que, quand un rédigé devait être formulé, il le soit en un français correct avec des phrases complètes et non télégraphiques !…

HORIZONS : D’autres choses à signaler ?

Madame PAULUS : Pour que mes anciens ou mes anciennes ne disent pas que j’édulcore la description de mes cours de math, je complète avec quelques précisons : je me promenais souvent entre les rangées de bancs pour vérifier si les élèves avaient fait leurs exercices ou les corrections de ceux-ci et quand cela n’était pas correct, alors je sévissais… ou j’écrivais sans ménagement dans le cahier de brouillon quelques traits bien sentis. J’aimais aussi jouer la comédie de l’attentat contre ma personne quand entre les rangées, les notes de cours, les classeurs, les effets de gym et tutti quanti qui jonchaient le sol, m’empêchaient un déplacement aisé pour aller voir ces fameux cahiers de brouillon ou confisquer ce qui n’était pas des maths !… J’aimais aussi ouvrir les fenêtres et lutter contre le bruit du boulevard St-Michel en disant aux élèves que je m’époumonais (sic) peut-être en vain pour la bonne cause mathématique et que bienheureux était sans doute le conducteur de l’ambulance qui, sirène hurlante passait sous les fenêtres de St-Michel, sans préoccupation mathématique ! L’histoire me rattrapa cependant un jour : un de mes anciens élèves devint pompier-ambulancier et me rappela ma remarque sur les ambulanciers !…

HORIZONS : Avec le recul, quelle impression globale gardez-vous de St-Michel ?

Madame PAULUS : Un collège de qualité, des relations amicales entre collègues, des élèves que je pouvais et voulais très souvent considérer comme des adultes. Une bonne ambiance même si les échanges étaient parfois tendus entre collègues ou avec la direction. J’ajouterais un bémol quand même : un Saint-Michel trop cocardier versant souvent dans l’auto-satisfaction!

HORIZONS : Vous avez quelques souvenirs marquants de vos années passées au collège ?

Madame PAULUS : Un souvenir qui a de la hauteur : mes années passées comme professeur de Math. dans la classe du Père Myle. Avec lui, il ne fallait pas de longs discours pour se comprendre et l’humour ou les réparties (parfois piquantes) faisaient que le courant passait très bien entre le titulaire et sa prof. de maths. J’ai accompagné très souvent sa classe en retraite et il me déléguait l’organisation des voyages de sa rhéto. Maintenant je vais ajouter un souvenir plus prosaïque : la vie risquée d’un professeur sur les estrades de quelques classes du cycle supérieur. Des estrades en deux parties et dont la jonction se faisait sous le bureau du prof. ; elles n’étaient pas jointes et comme l’interstice variait parfois, il « aspirait » l’un ou l’autre des pieds de la chaise du prof ! De quoi ravir les élèves voyant leur enseignant(e) perdre l’équilibre !

HORIZONS : Des bruits couraient au collège qu’à côté de votre enseignement, vous étiez critique de théatre ! C’est vrai ?

Madame PAULUS : Je nuancerais ! En réalité, pendant 10 ans, j’ai réalisé des « billets d’humeur » pour RCF : Radio Catholique Francophone. Je suis arrivé là à l’invitation du Père Bordonaro, professeur au collège et qui travaillait à RCF. Je recevais chaque semaine une entrée dans un théâtre bruxellois et RCF me demandait de réaliser non pas une critique théâtrale mais un billet d’humeur suite à la vision de la pièce. J’ai fait cela pendant 10 ans à partir de 1995. J’écrivais le billet et je le lisais sur antenne. Le comble c’est qu’à l’époque, RCF avait un émetteur plutôt modeste et concurrencé par d’autres chaînes-radio : je n’ai jamais su capter la lecture de mon billet d’humeur !…

HORIZONS : Et la passion du théâtre continue encore aujourd’hui ?

Madame PAULUS : Eh bien non ! Sans doute ai-je eu mon overdose de pièces de théâtre ! Aujourd’hui c’est l’opéra qui me passionne. Je vais fréquemment à La Monnaie et…confidence : j’ai même été sur sa scène figurante dans Parsifal de Wagner !

HORIZONS : Et quels sont vos autres centres d’intérêt, maintenant que vous êtes pensionnée ?

Madame PAULUS : Il y a par exemple les voyages : avec un groupe d’amis, j’ai été en Inde, au Pérou, en Chine. J’aime aussi beaucoup lire à tel point parfois qu’après quelques pages d’un nouveau livre, je me rends compte que je l’ai déjà lu. J’ai décidé maintenant de prendre note des titres des livres que j’ai lus ! Et puis il y a mes quatre petits-enfants auxquels je suis très attachée. Ils me le rendent bien et m’appellent avec tendresse « Bonne-maman Baloo » !

HORIZONS : Madame Paulus, nous arrivons au terme de notre interview. Un tout grand merci. Horizons sait un peu mieux ce que vous devenez – comme le dit le titre de cette rubrique –. Je vous laisse le mot de la fin, mais à formuler sous forme de citations, car je sais que durant votre carrière de professeur de mathématique vous aimiez en « distiller » durant vos cours – vos élèves devaient même en prendre note – et on en retrouvait aussi sur les questionnaires de vos examens.

Madame PAULUS : Alors…l’une pour l’honneur de la profession : «Prouver que j’ai raison serait accorder que je puis avoir tort ! » (BEAUMARCHAIS, Mariage de Figaro, Ac. I, sc.1) – L’autre pour la coquetterie féminine : «Que ces vains ornements, que ces voiles me pèsent ! » (RACINE, Phèdre Ac. I, sc.3)… Et enfin, une toute dernière mais elle est de moi : « Tant pis si les jèses jasent » !….

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