Le centre de documentation et d’information (CDI)

Située au 3ème étage du collège, la bibliothèque est aujourd’hui un espace d’environ 1000 m². Cette superficie est le résultat d’un regroupement progressif de plusieurs locaux (labos de sciences et de langues, bureaux de professeurs, bibliothèques du collège, des professeurs et des anciens élèves). Et c’est en 1990, officiellement, que la Bibliothèque du collège fut créée en asbl, gérée jusqu’en 2007 par les Anciens et le Collège. Se succèdent alors divers responsables parmi lesquels le Père Jean-Paul Mignon et Monsieur De Biourge, aidés d’anciens élèves ou professeurs comme Paul Goffart, Léon Froidmont, Jean Richir, Michel Lambillon, Patrick Fontenelle, Maurice Scheerens, Martine Liétart.

En 2010, l’avenir de la bibliothèque se pose. Stop ou encore ? Une enquête sur son utilité et un appel à projets sont lancés par le directeur du collège. C’est le projet de Thomas Burion qui est retenu. Rentré au collège comme éducateur en 2002, il est alors nommé bibliothécaire en 2010 en menant en parallèle des études de documentaliste.

La suite de cet article synthétise ma rencontre avec Thomas Burion me présentant son travail – non encore achevé – de 2011 à 2024, de connaissance, de découverte de ce patrimoine et sa volonté de transformation et de revitalisation de cet espace du collège appelé aujourd’hui : Centre de documentation et d’information  ( CDI).

Pour cette entreprise de longue haleine, divers chantiers concomitants sont menés. En voici les principaux.

  1. Inventorier, trier et élaguer ce patrimoine de livres et de collections.

L’inventaire a duré 13 ans. Il vient de s’achever tant les ouvrages étaient nombreux et disséminés un peu partout dans la bibliothèque. Travail conséquent, accompli par le bibliothécaire et quelques aides (professeurs, élèves, anciens). Pour en suggérer l’idée, voici quelques chiffres : 10.731 romans ont été recensés pour la section littéraire française et étrangère ; pour l’histoire, il y avait 56 étagères de livres mais seulement deux pour les sciences.

Tout en faisant la recension des livres, le tri s’est fait dans l’optique de la destination à leur donner : une salle pour la réserve précieuse, deux salles pour les littératures française et étrangère et enfin une grande salle de documentation pour le reste.

Pour faire le tri et l’élagage de ce patrimoine de manière scientifique et adéquate, des compétences extérieures ont parfois dû être sollicitées, car parmi les « richesses » de la bibliothèque d’origine dormaient des œuvres qui pouvaient avoir une haute valeur patrimoniale, scientifique ou historique.

En voici trois exemples :

  • Pour des ouvrages anciens relatifs aux vies de saints, la Société des Bollandistes (sise dans une autre aile du Collège) fut contactée et après examen ils rejoignirent la bibliothèque des Bollandistes plus adéquate qu’une bibliothèque scolaire.
  • Par exemple, furent découverts également un exemplaire du Protocole des Sages de Sion et de La France juive de Drumont : deux œuvres à forte connotationantisémite pour lesquelles fut appelé Joël Koteck, professeur à l’ULB, historien et spécialiste de l’antisémitisme et du génocide juif. Il les authentifia et confirma leur valeur patrimoniale.
  • Dans les « trésors » de la bibliothèque furent trouvées aussi plusieurs oeuvres de Charles Maurras et d’autres auteurs nationalistes français gravitant dans la mouvance de L’Action française de l’entre-deux-guerres. Cela n’a rien d’étonnant car le Père Deharveng (1867-1929), professeur de rhétorique du nouveau St-Michel créé en 1905, fut le premier qui ouvrit une bibliothèque pour les élèves du collège. C’est la raison pour laquelle son buste se trouve aujourd’hui à l’entrée du CDI. Jésuite aux multiples talents : enseignant, prédicateur, grammairien, auteur d’un ouvrage Corrigeons-nous.  S’il fut toute sa vie, un adepte des idées de Charles Maurras, il fut aussi un artisan important, durant le 1er conflit mondial, de la diffusion de la Libre Belgique clandestine, journal de la résistance qui lui valut un emprisonnement de 3 mois.
  • Notons enfin que tous ces livres et collections évoqués ci-dessus ainsi que d’autres à valeur historique et patrimoniale du collège se trouvent dans la salle dite « Réserve précieuse ». Pour la conservation et la protection des collections patrimoniales de la bibliothèque ainsi que pour d’éventuelles consultations ou mises à disposition d’œuvres, le CDI s’est lié, par des conventions avec un réseau d’institutions dont il peut lui-même profiter.

Pour faire le tri et l’élagage des livres, les diverses coordinations de branches du collège sont consultées pour décider de la pertinence ou de l’obsolescence des ouvrages qui les concernent.

Dans un autre local – qu’on pourrait appeler familièrement « station d’épuration » ( !) sont regroupés, par domaine, des livres ou des ouvrages déclarés obsolètes et plutôt que des envoyer au pilon, ils constituent une bouquinerie où, à certains moments du trimestre ou des fêtes du collège, ces livres peuvent être acquis gratuitement par des professeurs, élèves ou parents. Cette façon de procéder s’inscrit très bien dans la volonté de faire de St-Michel une « Eco-School » soucieuse de contribuer aux enjeux environnementaux et de citoyenneté de notre société. (cf. article à ce sujet, dans ce numéro d’Horizons). Quand le stock de livres de cette bouquinerie aura diminué, existe le projet d’en faire aussi une « donnerie » où professeurs, élèves, parents feraient don des livres et collections dont ils n’ont plus usage pour alimenter à leur tour des circuits courts d’échanges de livres. La particularité de la décoration de ce local est que les murs ont été tapissés de-ci de-là par les élèves avec des pages de livres dépareillés ou déchirés !…

  • Réaménager les locaux de la bibliothèque  

Le réaménagement des salles poursuit divers objectifs : les rendre plus belles, plus spacieuses, plus aérées et faire en sorte qu’elles soient polyvalentes. Les gros travaux sont effectués par les services généraux du collège : peinture des plafonds et des murs, renouvellement des sols, éclairage et aération. Le reste est entre les mains du bibliothécaire aidé par des professeurs et quelques élèves. Les étagères récupérées sont rafraichies et disposées en épis, c’est-à-dire perpendiculaires aux murs ce qui permet de dégager un espace central pour des travaux de groupes ou de classes ou des réunions de coordinations par exemple. Sur les travées des étagères, est en cours ou terminé le redéploiement des livres et des collections qui ont été conservés.

  • Le défi numérique du CDI

Si l’inventaire des livres et collections du CDI vient de se terminer, cependant, l’aménagement des salles et des étagères n’est pas encore tout à fait achevé car il reste aussi d’autres défis de taille à relever :

  • Encoder les livres et les collections de la bibliothèque grâce à un logiciel professionnel performant qui permet en scannant le code ISBN (se trouvant dans tout livre) de donner accès à un réseau de bibliothèques francophones qui fournit alors diverses informations complémentaires (notices, catégories, photos de couverture, etc.) sur les livres encodés.  A l’heure actuelle, 1500 livres ont été encodés créant ainsi le début du catalogue en ligne du CDI.
  • Autre défi : réduire la documentation papier et gagner en qualité en introduisant le numérique. Ainsi les travées de la section documentation seront équipées d’un QR code, qui sera le pendant numérique des collections papier. Ce travail sera établi en interne avec les coordinations de professeurs et en externe grâce au réseau français des bibliothèques scolaires auquel le CDI est affilié.
  • Faire du CDI un espace polyvalent

Le projet de Thomas Burion est de faire du CDI un espace polyvalent. A savoir que l’élève qui le fréquente ne vient pas seulement pour le livre et le travail scolaire mais aussi pour y trouver un espace convivial susceptible de provoquer l’intéressement et permettre des découvertes en tout genre et pas seulement livresques. C’est ce qu’appelle Thomas : la fonction de « désacralisation du livre » pour une bibliothèque. Objectif poursuivi pour toute salle du CDI mais en particulier pour la grande salle de documentation qui s’aménage progressivement. En effet, outre les étagères adossées aux murs et réservées à la documentation, le visiteur découvre un large espace central qui, grâce à du matériel mobile, peut remplir déjà diverses fonctions en cours d’année. En voici quelques exemples :

  • Une salle d’études ou d’examens ;
  • Une salle de cours permettant parfois le regroupement de classes pour des cours communs ou l’expérimentation de nouvelles méthodes pédagogiques comme l’an passé lorsque un professeur de sciences économiques donnait son cours en anglais avec en parallèle l’assistance du professeur d’anglais pour la compréhension et les explications linguistiques ;
  • Un « repair (café) pédagogique » qui permet depuis deux ans à certains moments de l’année, sur le modèle plus ou moins « speed dating » des rencontres en tête-à-tête entre professeurs ou élèves aidants et des élèves en difficultés scolaires. Sur base d’inscription libre, l’organisation permet à l’élève en demande d’aide de repérer facilement les tables consacrées à telle ou telle matière avec le professeur ou l’élève donneurs d’explications. Ces « repair pédagogiques » sont un des beaux exemples de travail collaboratif à St-Michel entre élèves et professeurs.
  • Plus institutionnellement, cette salle est aussi le lieu de réunion du Conseil de Participation du Collège composé de représentants de la direction, du corps professoral, des parents et des élèves.

Dans cette salle, le visiteur peut découvrir aussi quelques ilots de « curiosités » qui apparemment n’ont aucun lien avec les livres mais qui sont susceptibles de provoquer l’intérêt des élèves soit par leur étrangeté soit par la correspondance avec leurs goûts et leurs passions. Citons quelques-unes de ces « curiosités » :

–  Deux meubles en bois qui permettent aux élèves actuels de voir ce qu’était autrefois l’ancien mobilier des classes : un bureau de professeur et un banc d’élève ;

–   Quelques anciennes armoires métalliques mobiles contenant chacune une vieille TV avec lecteur VHS. Elles étaient en dépôt dans un bureau d’éducateur/éducatrice et pouvaient être amenées en classe pour visionner une actualisation de cours.  Aujourd’hui ces TV servent en fin de trimestre – lors des jours blancs, comme on dit, ou à la fête du collège, etc. – pour des tournois « retro gaming » de jeux vidéo, entre classes ou élèves, et ceci grâce à la récupération d’une vingtaine de vieilles consoles de jeux vidéo ;

–   Une réplique de casque de légionnaire romain qui peut intéresser des élèves lors de cours de culture antique ;

–    Deux pianos : un piano droit et un piano électronique. Le premier est utilisé par des professeurs ou des élèves qui révèlent leurs talents en certaines circonstances : détente de classe par exemple en fin de semaine ou de trimestre. Le second permet à des amateurs de piano de s’exercer à leur hobby grâce à un casque audio sans gêner ceux et celles qui lisent ou travaillent dans cette salle ;

 –  Un fauteuil de cabinet dentaire (ancien décor de pièce de théâtre) associé à une affiche du film « 1984 » adaptation du roman du même nom de George Orwell pour inviter le visiteur intrigué – qui sait – à le lire.

–   Un espace en cours d’installation, avec un coin BD et un coin mangas auquel on accède par une sorte de torii, portail nippon. A ces deux endroits, sur les étagères, se trouvent des bandes dessinées spécialement sélectionnées par un jury (profs-élèves) à des fins pédagogiques : établir des liens avec ce que des élèves ont pu découvrir dans leurs cours : histoire, littérature, sciences, religion, etc.

–   Un espace de co-travail qui a déjà permis la création de deux cellules à projet, l’une qui fait vivre un journal des élèves et une autre « media-lab », en lien avec le « fab-lab », où des élèves qui ont des talents pour créer des contenus medias (sons-vidéos-photos) ont la possibilité avec du matériel entreposé à cet endroit d’y développer leurs projets personnels mais aussi, lors de permanences régulières, sont à la disposition de professeurs  ou d’élèves pour les aider à réaliser des animations dans divers contextes : cours, parascolaire, fête du collège, etc.

– Dans un coin de la salle, une surprise…un pastiche de « La naissance de Vénus » de Boticelli dans lequel a été inséré le clocher de l’église du collège…C’est une peinture sur bois réalisée par un élève de 5ème. ,élève aux talents artistiques découvert fortuitement par le bibliothécaire qui lui a attribué le titre d’« artiste résident » chargé d’embellir l’espace du CDI !

  • Conclusion : les diverses fonctions du CDI

Au terme de ma visite du CDI avec Thomas Burion, quelques lignes de force de cet ensemble se dégagent :

  • la valorisation du patrimoine accumulé depuis tant d’années dans cette bibliothèque en inventoriant et en redéployant son contenu ;
  • la légitimité donnée à cet espace – qui fut un temps remise en question – en le faisant connaître à l’intérieur du collège en intéressant son public-cible (élèves -professeurs-parents) mais aussi à l’extérieur (Bibliothèques scolaires du Sacré-Cœur de Jette ou de L’Ecole de Tous à Molenbeek) ;
  • la fonction polyvalente du CDI : espace de travail et de recherche répondant aux besoins pédagogiques d’aujourd’hui, espace d’ouverture et de décloisonnement en lien avec, pour les élèves, des centres d’intérêt  autres que le livre ;
  • la fonction socio-éducative de cet espace : le public rencontré à cet endroit va de l’élève isolé en quête d’un lieu refuge à l’élève féru de découvertes , on peut y croiser aussi l’élève pianiste ou artiste, ou informaticien ou même tapissier…; le CDI est aussi un lieu de travail collaboratif ou d’aide scolaire entre élèves ou entre professeurs et élèves.

Pour y avoir passé quelques heures, je peux confirmer que le CDI est bien un espace polyvalent. Bravo et merci à Thomas Burion, son maître d’œuvre.

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