“La Senne, de la source au confluent”, de Thierry Demey
LA SENNE, DE LA SOURCE AU CONFLUENT
Thierry Demey
- Bruxelles, éditions Badeaux, 2011, 541 p.
- 900 illustrations, 17 promenades avec plan
- Prix librairie TTC : 38 €
- Prix www.badeaux.be : 35 €
- ISBN 978-2930609-01-0
La Senne n’est pas un fleuve, tout juste une modeste rivière qui traverse le centre de la Belgique du sud au nord, de Soignies à Malines en passant par Bruxelles. Elle suit un parcours sinueux d’environ 103 kilomètres traversant villes, zones rurales et industrielles dont l’Histoire vous est comptée ici par le menu. Peu spectaculaire et parfois franchement rébarbative en apparence tant son passé suinte à chaque pas, cette vallée dévoile un substrat humain dense sur fond de développement industriel spectaculaire qui s’est épanoui jusqu’à la fin des Trente Glorieuses.
La Senne prend sa source à Naast, petit village du Hainaut tout proche de Soignies qu’elle traverse ensuite en effleurant les carrières de pierre bleue et la collégiale Saint-Vincent avant de rejoindre la campagne verdoyante autour d’Horrues et de Steenkerque. Avant d’aborder l’ancienne région industrielle de Tubize, elle arrose la petite ville de Rebecq et longe les carrières de porphyre de Quenast. Parallèle au canal de Charleroi, elle alimente ensuite Halle Beersel et Drogenbos avant d’entrer dans la région bruxelloise en passant sous le périphérique autoroutier. Derrière la gare du Midi, elle s’enfouit discrètement en sous-sol pour contourner le centre de Bruxelles par les boulevards de la Petite Ceinture et le canal de Willebroek qu’elle suit jusqu’à Vilvoorde. Canalisée, elle caresse encore les petits villages d’Eppegem , Weerde et Zemst avant de s’écouler dans la Dyle à hauteur de Heffen , quelques centaines de mètres en amont du Rupel. Bonne traversée !
A en juger par la manière dont elle a été traitée au fil des siècles, la Senne est une rivière encombrante, trop discrète pour structurer un paysage, trop large pour servir uniquement de chasse d’égout dans les zones habitées. Toutes les villes qu’elle traverse l’ont écartée sans ménagement de leur centre. Soignies et Bruxelles l’ont voûtée, Halle et Vilvoorde détournée. Les villages, eux, s’en sont accommodés avec plus ou moins de bonheur selon qu’ils se situent en Wallonie, dans la partie non navigable de son tracé, ou en Flandre. D’un côté, elle a gardé sa physionomie intacte, traversant une contrée rurale et pittoresque, dont plusieurs vieux moulins témoignent de l’activité agricole d’autrefois, et contournant de ses méandres les obstacles naturels à son passage. De l’autre, elle a été impitoyablement redressée, élargie et endiguée au point de ressembler davantage à un canal qu’à une rivière.
A l’exception d’une zone rurale et champêtre, qui s’étend de Horrues à Rebecq, en passant par Steenkerque, la rivière est jalonnée de sites industriels désaffectés. C’est que le bassin de la Senne a apporté une contribution décisive à l’industrialisation du Brabant au cours des deux derniers siècles. Rien pourtant ne la prédestinait à ce rôle, tant son parcours sinueux et nonchalant, son faible étiage et l’étroitesse de son lit semblent peu s’y prêter. En amont, autour de Soignies et d’Ecaussinnes, elle le doit aux contingences des formations géologiques qui ont placé un fabuleux gisement de pierre calcaire sur un axe rectiligne s’étendant de Maffle à Feluy. Plus loin, autour de Bruxelles, ce sont les infrastructures fluviales et ferroviaires nées de la révolution industrielle qui ont aimantées les activités industrielles les plus diverses. De Tubize au sud à Vilvoorde au nord, en passant par Halle, Drogenbos, Forest, Anderlecht, Molenbeek-Saint-Jean, un véritable sillon industriel s’est créé le long des canaux industriels de Charleroi et Willebroeck et des voies ferrées ouvertes entre 1835 et 1845. Un choix subjectif nous a fait raconter l’histoire des forges de Clabecq, de Fabelta, de la chicorée Pacha, de la chocolaterie Côte d’Or ou des biscuits Delacre.
Avec la crise économique, l’internationalisation et la concentration industrielle à l’œuvre dans de nombreux secteurs, ces activités industrielles ont presque toutes disparues dans la douleur et les plans sociaux. Les sites désaffectés ont subi une lente métamorphose qui fait la part belle aux lotissements résidentiels, sans pour autant négliger les sièges européens d’entreprises et les zones de stockage et de transport.